lundi 29 décembre 2014

Revue des décisions 2014 du cabinet / Un salarié qui refuse le reclassement qui lui est proposé ne peut pas être licencié pour abandon de poste


Au bout de 17 ans de travail au société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE, une repasseuse présente une maladie professionnelle (limitation des mouvements de l'épaule droite).

Le médecin du travail la déclare inapte à son poste de repasseuse, mais apte à tout autre poste dans l'entreprise, sans utilisation du bras droit et de la main droite de façon répétée et prolongée.

Son employeur lui propose successivement deux postes de reclassement, que la salariée refuse, car ils ne sont pas conformes aux préconisations du médecin du travail.

Au lieu d'envisager un licenciement pour inaptitude, la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE choisit de licencier cette fidèle salariée pour faute grave (abandon de poste) !!

Ainsi, non content de la licencier, il la prive de l'ensemble des indemnités légales auxquelles elle a droit (étant rappelé qu'elle a 17 ans d'ancienneté dans l'entreprise).

Devant la Cour d'Appel de PARIS, nous avons rappelé la jurisprudence de la Cour de Cassation : « ne peut constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur en application de l'article L. 1226-2 du code du travail lorsque la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail ou des conditions de travail ; qu'il appartient à l'employeur de tirer les conséquences du refus du salarié soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l'intéressé aux motifs de l'inaptitude et de l'impossibilité du reclassement » (Cass. Soc. 19 juin 2013, pourvoi n°12-12018).

Et surtout : « une faute grave ne peut se déduire du seul refus par un salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur, et ce, même si ce reclassement n'entraîne aucune modification des conditions de travail » (Cass. Soc. 20 janvier 2010, pourvoi n°08-45017).

Suivant cette jurisprudence, la Cour d'Appel a donné gain de cause à notre cliente :

« Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la salariée est licenciée pour abandon de poste que l'employeur assimile à une faute grave au motif qu'elle a refusé d'occuper le poste qu'il avait spécialement défini en fonction de son handicap ;

Or, c'est abusivement que l'employeur fait grief à la salariée de refuser le poste proposé alors qu'il ne justifie pas que le médecin du travail avait déclaré ce poste compatible avec les capacités de la salariée ; En tout état de cause le refus du salarié d'occuper le poste qu'il considère inadapté à son handicap et aux préconisations de la médecine du travail n'est pas constitutif d'une faute grave de sorte que le licenciement fondé sur ce seul grief est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il n'est pas établi par la SA SIMONE TEINTURERIE DE LUXE que devant le refus de la salariée il avait consulté le médecin du travail et que son avis avait été conforme aux restrictions de l'avais d'inaptitude ;

Outre le fait que le licenciement de Madame Djeida X... se trouve en conséquence de ce qui précède dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est illicite faute par la SA SIMONE TEINTURERIE DE LUXE de justifier avoir consulté les délégués du personnel sur les postes de reclassement proposés et avoir recueilli leur avis en conformité avec l'obligation résultant de l'article L. 1226-10 du Code du Travail ».

Revue des décisions 2014 du cabinet / Licenciement pour inaptitude : recherche de reclassement fictive et non-respect de l'obligation de consulter les délégués du personnel

Suite à un accident du travail, une hôtesse caissière pour la société CARRE DES CHAMPS ELYSEES (restaurant Ledoyen) est déclarée inapte définitivement à son travail.

Elle est licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Devant le Conseil de Prud’hommes de PARIS, nous faisions notamment valoir :


1/ En application des articles L.1226-10 et du L.1226-12 du Code du Travail l'employeur était tenu de lui proposer un autre emploi aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

La Cour de Cassation considère qu’il appartient à l’employeur qui licencie un salarié pour inaptitude à son poste de travail de prouver l’impossibilité de reclassement, y compris au sein du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le Conseil de Prud'hommes a jugé à juste titre que l'employeur ne démontrait pas que les postes proposés à la salariée étaient conformes aux préconisations du médecin du travail, ni même qu'elle les avait proposés effectivement.


2/ L’employeur a l’obligation de prendre avis auprès des délégués du personnel sur les possibilités de reclassement du salarié.

Or la société CARRÉ DES CHAMPS-ÉLYSÉES produisait un procès-verbal de consultation des délégués du personnel rédigé en ces termes :

« 1. Reclassement de Mme B. :
Les membres des R.P ont pris connaissance du dossier ».

Reprenant notre argumentaire, le Conseil de Prud'hommes a jugé que «  le procès-verbal de cette réunion laisse apparaître qu'aucun avis n'a été rendu puisqu'au paragraphe : reclassement de Mme B. figures seulement la phrase suivante : « les membres des RP ont pris connaissance du dossier », sans autre précision (…). C'est donc à juste titre que Madame B. soutient que son licenciement est intervenu en méconnaissance de la formalité substantielle que constitue la consultation des délégués du personnel, ce qui lui ouvre droit à l'indemnité prévue à l'article L.1226-15 alinéa 3 du code du travail ».

Pour commander une copie de cette décision

Revue des décisions 2014 du cabinet / L'accident survenu à la cantine de l'entreprise est un accident du travail

Un maçon travaillant sur le chantier du tramway chute et se cogne la tête dans le lieu de restauration collective où les ouvriers sont transportés pour prendre leur repas.

La CPAM lui signifie un refus de prise en charge de l'accident, au motif qu'il n'existerait pas de preuves que cet accident se soit produit par le fait ou à l'occasion du travail.

Par jugement du 25 mars 2014, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS nous a donné gain de cause, en soulignant que :

« les salariés restent, dans certaines hypothèses, sous la subordination de leur employeur au moment des repas ;

Monsieur R. ne pouvait pas deviner que ce point était susceptible de poser problème. Dès lors, il n'est pas normal que la CPAM ait rejeté la demande de prise en charge sans avoir pris la peine de vérifier si l'on n'était pas dans l'une de ces hypothèses ».

Ce faisant, le Tribunal est dans la ligne de la jurisprudence classique de la Cour de Cassation considère que la cantine, ou le lieu habituel de prise des repas est assimilable au lieu de travail (Cass. Soc. 11 juin 1970, pourvoi n°69-12567).

Il suffit pour cela que l’accident se soit produit dans une dépendance de l’entreprise où l’employeur continue à exercer ses pouvoirs d’organisation, de direction et de contrôle, de sorte que le salarié se trouve toujours sous son autorité (Cass. Soc. 30 novembre 1995, pourvoi n° 93-14208).

Pour demander une copie de ce jugement

jeudi 21 août 2014

Condamnation de PARIS HABITAT pour licenciement abusif

Gardienne d’immeuble depuis 11 ans Madame R exerçait ses fonctions dans un site HLM géré par PARIS HABITAT.

Elle exerçait ses fonctions dans un contexte difficile, confrontée à des personnes en détresse sociale. Elle était également exposée à des gestes agressifs (oeufs lancés sur elle et sur la porte de la loge, injures, menaces...).

En septembre 2011, son employeur la convoquait à un entretien, « pour une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement  ».

En octobre 2011, Madame R. était licenciée, pour insuffisance professionnelle.  

La très longue lettre de licenciement qui lui était adressée lui reproche un « comportement agressif et emporté »,  la « falsification de documents internes », de nombreuses plaintes de locataire à son égard, et divers incidents.

C’est dans ces conditions qu’avec l’assistance de notre cabinet, elle a saisi le Conseil de Prud’hommes de PARIS.

Nous avons fait valoir que le licenciement, sous couvert d’une insuffisance professionnelle, était en réalité purement disciplinaire.

Les termes particulièrement violents, et la longueur de la lettre de licenciement, accréditaient d'ailleurs l’idée que ce sont bien des fautes qui étaient imputées à la salariée.

Le choix de l'insuffisance professionnelle permettait en réalité à l'employeur de faire allusion à des faits anciens, et surtout non avérés, pour tenter de justifier sa décision de rompre le contrat de travail.

L’examen des griefs de l’employeur montrait  que ce dernier n'apportait que très peu d'éléments de preuve à l’appui de ses dires, et qu’en toute hypothèse, la quasi-totalité des faits imputés à la salariée étaient prescrits de longue date.

Par jugement du 12 septembre 2013, le Conseil de Prud’hommes de PARIS a retenu que « la lettre de licenciement n’apporte pas d’éléments suffisamment circonstanciés motivant la rupture du contrat de travail », et  jugé que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.


Il a condamné PARIS HABITAT à payer à notre cliente la somme de 26 000 € à titre de de dommages-intérêts, et 1000 € en remboursement de ses frais d’avocat.

Pour demander ce jugement

Inaptitude et reclassement : l’employeur doit aussi envisager des postes à caractère temporaire, tels des CDD

Lorsque, à la suite d’une visite de reprise, l’inaptitude du salarié à son poste de travail a été constatée par le médecin du travail, l’employeur a l’obligation de rechercher un poste en reclassement (article L.1226-2 ou L.1226-10 du Code du Travail, selon que l'inaptitude a, ou non, une origine professionnelle).

L'employeur a l'obligation de rechercher un emploi aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, « au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.  »

Trop souvent, l’employeur limite de lui-même sa recherche de reclassement, sans envisager tous les postes existant réellement dans l’entreprise.

La Cour de Cassation est venue rappeler que tous les postes doivent être envisagées, qu'il s'agisse de postes temporaires ou permanents, à temps plein ou à temps partiel, au sein de l’entreprise au sein du groupe auquel elle appartient.

S’agissant d’un ouvrier du bâtiment devenu inapte à son poste, et apte uniquement à un emploi de bureau, la juridiction suprême a considéré qu'un poste de secrétaire, pourvu avant le licenciement, aurait dû lui être proposé « peu important que ce soit par voie de contrat à durée déterminée ».


S’agissant d’un chef d’atelier déclaré inapte à son poste, la Cour de Cassation a jugé que le caractère temporaire d'un poste, en l'espèce le remplacement d’une salariée en congé maternité, n'interdisait pas de proposer celui-ci en reclassement.


Ainsi, contrairement à ce que soutiennent très souvent les les employeurs devant les Conseils de Prud’hommes, il ne s’agit pas pour pour eux de rechercher des postes « disponibles ». Une recherche de reclassement n'est pas une recherche d’emploi.

Des postes temporaires, ou à durée déterminée, doivent donc être proposés, à charge pour le salarié de les accepter ou les refuser.


L’idée est de maintenir autant que possible le salarié au sein de l’entreprise, et rien ne dit qu'une fois cet emploi temporaire arrivé à son terme, un autre poste ne pourra pas lui être proposé.

Inaptitude : la recherche de reclassement doit être faite par l’employeur, quelle que soit la taille de l’entreprise

Si, la la suite d’une visite de reprise, Le médecin du travail conclut à l’inaptitude du salarié à son poste précédent, l’employeur a l’obligation de rechercher un poste en reclassement aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, « au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.  » (article L.1226-2 ou L.1226-10 du Code du Travail, selon que l'inaptitude a ou non une origine professionnelle).

L’employeur doit être en mesure de prouver qu'il a bien effectué cette recherche.

Il ne peut tenir pour acquis qu'un reclassement est impossible avant d’avoir fait un minimum de démarches.

Dès lors, la petite taille de l’entreprise ne justifie pas que l'employeur s'abstienne de toute recherche.

S'agissant d'une société occupant 13 salariés, la Cour de Cassation a retenu que « la petite taille de la société ne suffisait pas à justifier de l’impossibilité d’un reclassement ».



Cette décision, rendue en matière de licenciements économiques, est tout à fait transposable en matière de licenciement pour inaptitude.

Inaptitude : la charge de la preuve d’une impossibilité de reclassement repose exclusivement sur l’employeur

Une employée libre-service à temps partiel de la société LIDL, victime d’un accident du travail, est déclarée inapte à son poste. Elle est ensuite licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La Cour d’Appel de Versailles avait considéré que la recherche de reclassement de l’employeur était satisfaisante, la salariée ne démontrant pas que LIDL fait partie d’un groupe européen, et ayant de toutes façons refusé une mobilité à l’intérieur du territoire national.

Cette décision est cassée par la Cour de Cassation, par un arrêt du 2 juillet 2014, aux motifs suivants :

Qu'en statuant ainsi, alors que, peu important la position de la salariée, il appartient à l'employeur de justifier de l'impossibilité de reclassement, le cas échéant au sein d'entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel, qui, inversant la charge de la preuve, n'a pas caractérisé l'absence d'un tel groupe, dont l'existence était invoquée par cette salariée, a violé les textes susvisés".



Rappelons que si, la la suite d’une visite de reprise, l’inaptitude du salarié à son poste de travail a été constatée par le médecin du travail, l’employeur a l’obligation de rechercher un poste en reclassement (article L.1226-2 ou L.1226-10 du Code du Travail, selon que l'inaptitude a ou non une origine professionnelle).

En toute hypothèse, l'employeur a l'obligation de rechercher un emploi aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, « au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.  »

Selon une jurisprudence classique, cette recherche doit être effectuée non seulement aux sein de l’entreprise, mais aussi au sein du groupe auquel elle appartient.

Deux exemples parmi d’autres :


En rappelant avec fermeté que la charge de la preuve de l’effectivité de la recherche de reclassement incombe à l’employeur, et à lui seul, cet arrêt du 2 juillet 2014 présente un double intérêt.

D’une part, il souligne que l’employeur ne peut réduire le champ de la recherche d'un poste de reclassement en fonction de l’opinion exprimée par le salarié (ou de la façon dont il interprète cette opinion).

De la même façon, la Cour de Cassation a jugé que le refus par le salarié d'un poste de reclassement n'implique pas à lui seul le respect par l’employeur de son obligation.


D’autre part, la Cour de Cassation insiste sur le fait qu'il appartient à l’employeur de démontrer que son entreprise ne fait pas partie d’un groupe, comme cela était allégué par la salariée.

Ce n’était donc pas à la salariée de rapporter la preuve de l’existence d’un groupe d’envergure européenne.

Ainsi, la Cour de Cassation souligne, une nouvelle fois, que la recherche de reclassement est une obligation de l’employeur, et uniquement de celui-ci.


C’est en effet au débiteur d’une obligation de prouver qu’il l’a bien exécutée.