vendredi 1 septembre 2017

La réparation du licenciement abusif pour inaptitude professionnelle durement impactée par les ordonnances « loi travail »

Si un salarié présente une inaptitude d’origine professionnelle, c’est que son emploi (ou même son employeur) en est à l'origine.

Soit parce qu'il s'agit d'une emploi pénible, qui impacte le corps ou le psychisme du salarié.

Soit parce que l'employeur n'a pas respecté ses obligations en matière d'hygiène et de sécurité au travail.

En tous les cas, ce salarié ne serait pas handicapé s'il n'avait pas travaillé dans cette entreprise.

C’est pour cette raison qu'en cas d'inaptitude d'origine professionnelle, le licenciement abusif était spécialement sanctionné. Jusqu'à présent, l'article L.1226-15 du Code du Travail prévoit qu'un tel licenciement abusif l'employeur à payer des dommages et intérêts qui ne peuvent être inférieurs à 12 mois de salaire.

Un employeur ne peut licencier un salarié usé ou cassé par le travail sans avoir mis tout en œuvre, de bonne foi, pour le reclasser. A défaut, il est durement sanctionné.

Le gouvernement estime que cette protection n'a plus lieu d'être !

Dans son ordonnance n°3 du 31 août 2017 « Ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail », il modifie l’article L. 1226-15 du Code du Travail :

« En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L. 1226-14. »

Autrement dit, la même indemnité que pour n'importe quel licenciement sans cause réelle et sérieuse, laquelle est en plus impactée par le nouveau, et scandaleux, barème limitant les dommages et intérêts revenant au salarié.

Une recherche de reclassement nécessite du temps et de l'énergie à un employeur, et peut occasionner des frais, liés à une formation professionnelle, par exemple.

Pourquoi un employeur indélicat se donnerait-il tant de peine désormais ? Il pourra licencier à peu de frais le salarié qu'il a (volontairement ou non) rendu handicapé.

Un exemple :

Prenons un salarié ayant 5 ans d'ancienneté, victime d'un accident du travail et handicapé. Un employeur qui le licencierait sans même chercher à le reclasser sait qu'il paierait entre 3 et 6 mois de salaire brut à titre de dommages et intérêts, contre 12 mois minimum auparavant.

Si l’entreprise emploie moins de 11 salariés, les dommages et intérêts seront 1,5 mois de salaire brut au maximum.

On s'explique d'autant plus mal ce choix du gouvernement qu'il explique ne pas vouloir plafonner les dommages et intérêts en cas de discrimination, notamment.

C'était pourtant l’objet de l'article L.1226-15 du Code du Travail. Sanctionner une discrimination.


mercredi 31 mai 2017

La Cour de Cassation rappelle qu'est un accident du travail tout malaise survenu aux temps et lieu de travail, y compris un choc psychologique

La Cour de Cassation vient de faire un nécessaire rappel, en matière de prise en charge en accident du travail des chocs psychologiques.

Trop souvent, les Tribunaux ont un regard suspicieux sur ce type d'accident, et estiment que pour être un accident du travail, un choc psychologique doit obligatoirement résulter d'une faute ou d'un comportement anormal de l'employeur ou d'un supérieur.

Autrement dit, ils estiment que si le salarié a été victime d'un malaise suite à un choc psychologique sur le lieu de travail, encore faudrait-il qu'il ait eu « de vraies bonnes raisons » d'avoir ce malaise...

Ce faisant, ils posent une condition non requise par la loi, qui demande simplement qu'ait eu lieu un « accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise » (article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale).

Doit donc être reconnu comme accident du travail tout choc ou malaise arrivé sur le lieu du travail, à condition évidemment qu'une lésion psychologique soit médicalement constatée.

La victime doit bien sûr prouver l'existence de ce malaise, mais il ne peut pas être exigé d'elle un surcroit de preuves, et notamment un lien certain entre ce malaise et le travail.

Le 4 mai 2017, la Cour de Cassation a rendu un arrêt qui, espérons-le, tranchera définitivement le débat avec les caisses de sécurité sociale et certains tribunaux.

Une salariée de la BNP avait été prise d'un malaise au cours d'un entretien avec son responsable, auquel elle venait d'être convoquée.

Au sortir de cet entretien, un médecin constatait un choc psychologique.

La Cour d'Appel avait estimé qu'il ne s'agissant pas d'un accident du travail, car «  la salariée ne démontre pas en quoi l'entretien avait eu un caractère inattendu et s'était déroulé dans des conditions susceptibles d'être à l'origine d'un choc psychologique, que le ton de la supérieure hiérarchique, tout culpabilisant et directif qu'il ait pu être, ne permettait pas d'expliquer un tel choc, et que la salariée ne démontrait pas l'existence d'un lien entre le malaise dont elle avait été victime et l'entretien ».

La Cour de Cassation s'en tient à la définition légale de l'accident du travail, et casse cet arrêt, au seul motif que la salariée a été victime d'un malaise survenu aux temps et lieu de travail.

Dans ces conditions, la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer, et il n'est pas question d'ajouter des conditions supplémentaires à celles posées par la loi.



jeudi 23 mars 2017

Le responsable des ressources humaines qui a connaissance d'un harcèlement moral commet une faute professionnelle s'il n'intervient pas

En 2011, après la tentative de suicide d'un chef de rayon, et la démission d'un de ses collègues, le directeur de l'hypermarché AUCHAN de Castres a été mis à pied.

Une enquête a établi qu'il s'était rendu coupable de harcèlement moral sur ses employés.

Pour plus de détails :




La responsable des ressources humaines du magasin a aussi été licenciée pour motif disciplinaire. Il lui était notamment reproché son inaction face au comportement de son supérieur hiérarchique.

Elle a attaqué AUCHAN en justice, en faisant valoir qu'elle n'avait pas commis de faute puisque ce qui lui était reproché résultait d'un comportement du directeur du magasin, et non du sien.

Elle ajoutait que la société AUCHAN n'avait mis en oeuvre aucun moyen organisationnel lui permettant de dénoncer les agissements de son directeur, si bien qu'elle ne pouvait rien y faire.

La Cour d'Appel de TOULOUSE n'a pas été sensible à ces arguments, et a jugé que son licenciement était tout à fait justifié, parce que cette RRH travaillait en très étroite collaboration avec le directeur du magasin, avait connaissance du comportement inacceptable de celui-ci à l'encontre de ses subordonnés, et qu'elle n'a rien fait pour mettre fin à ces pratiques alors qu'en sa qualité de responsable des ressources humaines, elle avait une mission particulière en matière de management.

Pararrêt du 8 mars 2017, la Cour de Cassation confirme cette décision en rappelant qu'un responsable des ressources humaines a une mission particulière en matière de management et doit veiller au climat social et aux bonnes conditions de travail de ses collaborateurs.

Il ne peut cautionner, par son inaction, des méthodes managériales relevant du harcèlement moral :

« Mais attendu qu'ayant constaté que la salariée, qui travaillait en très étroite collaboration avec le directeur du magasin, avait connaissance du comportement inacceptable de celui-ci à l'encontre de ses subordonnés et pouvait en outre s'y associer, qu'elle n'a rien fait pour mettre fin à ces pratiques alors qu'en sa qualité de responsable des ressources humaines, elle avait une mission particulière en matière de management, qu'il relevait de ses fonctions de veiller au climat social et à des conditions de travail « optimales » pour les collaborateurs, que la définition contractuelle de ses fonctions précisait qu'elle devait « mettre en oeuvre, dans le cadre de la politique RH France, les politiques humaines et sociales » et que le responsable des ressources humaines est « un expert en matière d'évaluation et de management des hommes et des équipes » et retenu qu'en cautionnant les méthodes managériales inacceptables du directeur du magasin avec lequel elle travaillait en très étroite collaboration, et en les laissant perdurer, la salariée avait manqué à ses obligations contractuelles et avait mis en danger tant la santé physique que mentale des salariés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a légalement justifié sa décision ».



La responsable des ressources humaines est donc complice du harcèlement moral, par sa passivité, qui constitue une faute professionnelle.

Son licenciement était justifié.

Une telle situation implique, évidemment, que l'employeur, une fois révélé le harcèlement moral dont s’est rendu coupable un de ses dirigeants, souhaite sanctionner ce comportement et ceux qui s’y sont associés, même par leur inaction fautive.

En tout état de cause, un responsable des ressources humaines ne peut plus chercher à éluder sa responsabilité lorsqu'il a connaissance d'un harcèlement moral. S'il ne fait rien, sa passivité, son silence, engagent sa responsabilité.

mercredi 15 mars 2017

Revue des décisions du cabinet / Faute inexcusable de l'employeur : basculement sur un salarié d'un portail métallique non maintenu

Notre client, électricien pour sur un site artisanal et industriel, a été victime d'un grave accident du travail.

Son employeur lui a demandé faire un travail de soudure au bas d'un lourd portail, qui était stocké au milieu d'un atelier, en attendant d'être posé.

Ce portail métallique, de plus d'une tonne, était maintenu verticalement, attaché à une de ses extrémités à un simple tréteau, et soutenu en son centre sur un madrier de bois.

Alors que le salarié avait accompli la moitié de son travail, le portail basculait sur lui et l'écrasait au sol, lui causant des fractures des côtes, des vertèbres, et de la hanche.

Devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES, nous avons fait valoir que les équipements de travail et leurs éléments sont installés et doivent pouvoir être utilisés de manière à assurer leur stabilité (article R.4323-65 du Code du Travail).

Dans le procès-verbal qu'elle a dressé, l’Inspection du Travail écrit : «  cet équipement de travail a été muni de serre-joints et détourné de manière à maintenir verticalement l'ouvrage alors qu'il ne pouvait supporter une telle charge verticalement. Par conséquent, l'ouvrage a basculé latéralement.  »

De son coté, l'employeur s'acharnait à répéter que tous les témoins contredisaient la version de notre client, qui était un menteur.

Quant à l'Inspecteur du Travail, l'employeur l'attaquait très violemment, disant qu'il n’a pas cherché à « savoir ce qui s'est réellement passé », suite à une «  intervention bâclée  » à la suite de laquelle elle «  va tenter d’appliquer des textes à une situation qu’elle invente » (sic), et « livre une analyse technique sur laquelle elle n’a a priori aucune compétence particulière ».

En réalité, les témoignages recueillis par l'Inspection du Travail, et ses constats étaient précis et tout à fait confirmes à la réalité. 

Par contre, un an et demi après l’accident, lors de leur audition par la Police, le gérant de la société et les responsables de la victime avaient essayé de présenter une version différente de l'accident. Ils ont prétendu que le portail était parfaitement maintenu, et que c'était la victime qui l'avait détaché, entrainant sa chute.

Le Tribunal n'a pas donné crédit à cette version tardive, qui ne correspondait pas aux constats faits sur place. Il a reconnu que l’accident du travail est dû à une faute inexcusable de l'employeur.

Ce dernier a fair appel, et par arrêt du 3 décembre 2015, la Cour d'appel de VERSAILLES a confirmé le jugement  :

«  A supposer même qu’un établi ait été appuyé contre le portail aux fins de le stabiliser, la société a utilisé, pour permettre à l’un de ses salariés d’effectuer un travail, des équipements détournés de leur usage normal, ce que le contrôleur du travail n’a pas manqué de relever. 

De plus, il ne peut être accepté que, par principe, un moyen permettant de stabiliser un objet de la taille et du poids du portail, soit en lui-même suffisant pour empêcher un basculement ou tout autre phénomène de nature à créer un danger pour la sécurité lorsqu’un salarié intervient sur le portail.  »

Cliquez pour télécharger cette décision

L'employeur a engagé un pourvoi en cassation et, là encore, la faute inexcusable a été confirmée, par un arrêt de la Cour de Cassation du 9 mars 2017.


mercredi 14 décembre 2016

Licenciement pour inaptitude : dans sa recherche de reclassement, l'employeur peut désormais tenir compte de la position prise par le salarié inapte

Lorsqu'un salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à son poste, l'employeur doit rechercher un poste en reclassement, au sein de l'entreprise mais aussi au sein du groupe auquel elle appartient, en envisageant au besoin des mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Jusqu'à présent, la Cour de Cassation estimait que l'employeur devait mener une recherche de reclassement complète, quelle que soit la position prise par le salarié.

Par exemple, même si le salarié avait refusé un poste au motif qu'il était trop loin de son domicile, l'employeur devait tout de même lui proposer les autres postes envisageables pour un reclassement, même si ceux-ci étaient tout aussi loin.

De même lorsque le salarié refusait un poste moins bien payé, ou trop différent de celui qu'il occupait avant.

Cette jurisprudence avait le mérite d'éviter qu'un employeur de mauvaise foi tende des pièges au salarié, en l'incitant à limiter par lui-même, d'avance, le champ de la recherche de reclassement.

Tel n’est plus le cas aujourd’hui. La Cour de Cassation, par un arrêt du 23 novembre 2016, juge que :

« Mais attendu qu'il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que l'appréciation du caractère sérieux de la recherche de reclassement relève du pouvoir souverain des juges du fond ».



Il convient donc désormais qu'un salarié inapte soit très prudent lorsqu'il est interrogé par son employeur sur les possibilités de le reclasser.

A ce genre de question, il conviendra d'apporter une réponse du type « je suis prêt à envisager tous les postes que vous voudrez bien me proposer ».

Ainsi, l’employeur ne pourra pas se dispenser de proposer un poste distant de 12 km du domicile du salarié, au motif qu'il a déjà refusé un poste distant de 10km...