Comment faire reconnaître une faute inexcusable de l'employeur ?
Quels sont les délais ?
Quelle est la procédure ?
Comment défendre mon dossier ?
Voici les réponses aux questions qui nous sont le plus souvent posées par nos clients sur notre premier sujet 'expertise. Pour les autres, vous pouvez nous contacter.
La faute inexcusable de l'employeur, qu'est-ce que c'est ?
La faute inexcusable de l'employeur est prévue par les articles L452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale.
C'est une manière pour les victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice, à la fois par leur employeur et par la CPAM.
La Cour de Cassation la définit comme ceci :
En vertu du contrat de travail, l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles/les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Que doit prouver la victime ?
Avant toute chose, si un(e) salarié(e) a été victime d'un accident du travail, il (elle) doit pouvoir prouver les circonstances de l’accident. Sa bonne foi, ou le fait que l'accident a été reconnu par la sécurité sociale, peuvent ne pas être suffisantes.
Si il (elle) a été victime de maladie professionnelle, il (elle) doit prouver qu'il (elle) a été exposé(e) au risque qui a causé la maladie professionnelle : soulèvement répété de charges lourdes, charge de travail trop importante, inhalation de produits chimiques ou de poussières...
Ensuite, juridiquement, pour que la faute inexcusable de l'employeur soit reconnue par le Tribunal, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle doit démontrer :
1/ Les circonstances/conditions dans lesquelles l'accident ou la maladie se sont produits
Il ne faut pas négliger cet aspect. Devant un Tribunal, c'est à la victime de démontrer ce qui lui est arrivé précisément.
Le simple fait que l'accident du travail ou la maladie professionnelle a été reconnu par la CPAM peut ne pas être suffisant. Il faut consolider son dossier avec un minimum de preuve : témoignages, photographies, échanges d'e-mails…
2/Que son employeur avait, ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel il était exposé.
L'employeur est censé connaître les règles de sécurité mises à sa charge par le Code du Travail.
Il est aussi censé avoir connaissance d'un danger qui lui a été signalé avant l'accident par la victime elle-même, ou un représentant du personnel (art. L.4131-4 du Code du Travail).
3/Que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger.
L'idéal est d’avoir la preuve que l'employeur a été négligent, en oubliant par exemple de fournir du matériel adapté.
Cependant, si le salarié a apporté suffisamment de preuves sur le premier point, ce sera à l'employeur de se donner le mal de prouver qu'il a respecté toutes les règles de sécurité applicables.
Selon l’article 1353 du Code civil, c'est à celui qui se prétend dégagé d'une obligation légale d'apporter la preuve que tel est bien le cas. C'est donc à l'employeur qu'il appartient de démontrer qu'il a effectivement exécuté son obligation de sécurité, en mettant en place les mesures de sécurité exigées par la loi.
Une fois cette preuve apportée, la responsabilité de l'employeur est établie, car il est tenu, par le contrat de travail, d'une obligation de sécurité.
Quels sont les documents à réunir ?
Le Tribunal aura bien sûr besoin des documents montrant que la sécurité sociale a reconnu l'accident du travail ou la maladie professionnelle, et le taux d'incapacité (en %) fixé.
Il aura besoin aussi des principaux documents médicaux.
Pour le reste, la preuve est libre : courriers, e-mails, témoignages écrits, enquêtes, compte-rendus de réunion des représentants du personnel, photos... tout peut avoir un intérêt.
Que doit prouver l'employeur ?
La cause de notre cabinet est la défense des salariés victimes, et nous n'allons pas ici donner de conseils à des employeurs qui ont manqué à leurs obligations.
Les victimes doivent savoir que certains employeurs peuvent aller très loin pour contester tout ce qui peut l'être, même l'évidence. Il faut donc s'y préparer.
Dans un dossier où notre client s'était blessé au genou en chutant sur son lieu de travail dans des escaliers non éclairés, son employeur s'acharnait à dire qu'il s'était en réalité blessé le matin même, dans le métro.
Et si j'ai peur de ne pas avoir de preuves ou de témoignages ?
Il y a des dossiers où l'on n'avait au départ aucun élément de preuve, et où les choses finissent par s'arranger.
Parfois, il faut attendre que certains salariés aient quitté l'entreprise ou soient partis en retraite pour qu'ils aient le courage de témoigner. Ou alors, il faut un peu de temps pour qu'une enquête soit terminée.
Les élus au CSE bénéficient d'une protection. Il est possible de les solliciter pour obtenir des témoignages ou des documents (PV de réunion, notamment).
Nous conseillons d'interrompre dans tous les cas le délai de prescription de deux ans par une lettre recommandée à la caisse de sécurité sociale. Cela laissera ensuite aux choses le temps de se mettre en place.
Et si la victime a été imprudente, ou même a commis une faute ?
La victime pense souvent qu'elle aurait pu éviter l'accident si elle avait été plus adroite, ou plus prudente. Bien sûr, mais cela n'empêche pas la responsabilité de l'employeur.
La jurisprudence est très claire : peu importe que la victime ait commis une faute ou une imprudence. Il suffit que la faute de l'employeur soit une cause nécessaire du dommage.
Autrement dit, il suffit que la faute de l'employeur ait contribué à la réalisation du risque (accident ou maladie). Même si la faute de l'employeur n’est pas la cause unique ou principale de l'accident, le Tribunal doit reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.
De la même façon, un accident ou une maladie peuvent être causés à la fois par la faute d'un tiers (une autre entreprise ou un particulier), la faute de l'employeur et celle de la victime. Le Tribunal recherche simplement si la faute de l'employeur est la cause nécessaire de l'accident ou de la maladie.
Seule une faute inexcusable du salarié peut protéger l'employeur de sa responsabilité. Elle est définie comme « la faute volontaire du salarié, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ». Il s'agit du cas où, en toute connaissance de cause, le salarié s’est volontairement et gravement mis en danger. Cela reste une situation très exceptionnelle.
Quels sont les délais pour agir ?
L'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est soumise à un délai de prescription de deux ans.
Ce délai commence à courir :
- pour les accidents du travail, à compter du jour de l'accident ou de la cessation du paiement des l'indemnités journalières AT ;
- pour les maladies professionnelles, à compter de la date de la première constatation par le médecin traitant de la maladie ou de la date de cessation du paiement des indemnités journalières MP.
Etant précisé que ce délai est interrompu par l'exercice d'une action pénale (donc pas une plainte classée sans suite) ou par l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.
Contrairement à ce qu'on lit beaucoup, ce n'est donc pas à partir de la consolidation que ce délai court, mais à partir de la fin du paiement des indemnités journalières AT/MP.
Récemment, il a été jugé qu'une action prud'homale engagée par la victime peut interrompre le délai de prescription si le salarié demandait l'indemnisation d'un préjudice résultant d'un AT/MP.
Comment lancer la procédure ?
C’est très simple.
Il suffit à la victime d'envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception à la caisse de sécurité sociale dont elle dépend (celle qui a reconnu l'accident du travail ou la maladie professionnelle).
Elle doit indiquer ses coordonnées, et dire qu'elle estime que son accident du travail ou sa maladie professionnelle (dont il faut citer la date pour éviter toute confusion) a été causée par la faute inexcusable de l’employeur.
Cela suffit à interrompre le délai de prescription de deux ans.
Ensuite, la caisse de sécurité sociale est censée organiser une conciliation entre l'employeur et le salarié. Tant qu'elle n'a pas annoncé officiellement que sa démarche de conciliation est terminée, le délai de prescription est suspendu.
Dès qu'elle constate, soit l'absence de conciliation, soit la carence de l'employeur, un nouveau délai de deux ans pour saisir le Tribunal débute.
Il est aussi possible de se passer de la démarche préalable devant la caisse de sécurité sociale, et de saisir directement le Tribunal.
Devant quel Tribunal ?
La procédure a lieu devant le pôle social du Tribunal Judiciaire dont dépend, soit votre caisse de sécurité sociale, soit le lieu de l'accident.
Que gagne la victime si la faute inexcusable de l'employeur est reconnue ?
Lorsque la faute inexcusable de l'employeur est reconnue, la victime a droit à une indemnisation complémentaire, en plus des prestations de sécurité sociale qu'ele recevait déjà.
Cette indemnisation complémentaire est composée de deux choses :
1/La majoration de rente ou de capital
La rente, ou le capital, payé(e) à la victime après la consolidation de son état de santé seront majorés, et ce pour le restant de ses jours.
Plus le taux d'incapacité fixé (en %) par la sécurité sociale est élevé, plus cette majoration sera importante.
Même si le jugement reconnaissant la faute inexcusable est rendu des années plus tard, la majoration rétroagit à la date de consolidation, avec éventuellement paiement d'arrérages.
2/ Les dommages intérêts
Il s'agit d'une somme fixe, qui indemnise certains postes de préjudice, après expertise médicale.
L'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale prévoit l'indemnisation :
- des souffrances physiques et morales avant consolidation
- du préjudice esthétique
- du préjudice d'agrément (les activité de loisirs que, depuis l'accident, la victime ne peut plus pratiquer, ou avec une gène)
- de la perte de chance de promotion professionnelle
La Cour de Cassation a complété cette liste avec les postes de préjudice suivants :
- les frais d'aménagement d'un véhicule adapté en raison du handicap
- les frais d'aménagement du logement en raison du handicap
- le préjudice sexuel
- le déficit fonctionnel temporaire (incapacité fonctionnelle et perte de qualité de vie avant la consolidation)
- le besoin d'assistance par une tierce personne avant consolidation
- le déficit fonctionnel permanent.
Qui paie les indemnités ?
Toutes les sommes obtenues seront payées à la victime par la caisse de sécurité sociale, qui les récupérera ensuite auprès de l’employeur, si elle le peut.
Peu importe donc que la société soit en liquidation judiciaire, la victime est assurée d'être indemnisée.
De même, la victime n'a pas à craindre les frais et délais dus à l'exécution forcée d'une décision de justice.
Est-ce que mon employeur peut faire appel ?
Tout le monde peut faire appel. Votre employeur, si vous avez gagné, et vous si c'est votre employeur qui a gagné.
Cela rallonge évidemment la durée de la procédure, mais, de mon expérience, il ne faut rien lâcher dans ces dossiers.
Si vous avez eu un problème en première instance, il ne faut pas hésiter à faire appel et à retravailler le dossier.
J'ai été victime de harcèlement moral ou de burn-out, est-ce une faute inexcusable de l'employeur ?
Les chocs psychologiques au travail, le harcèlement moral, ou le burn-out, peuvent parfois être reconnus en accident du travail ou maladie professionnelle.
Dans ce cas, il est possible de faire reconnaître une faute inexcusable de l'employeur, avec les mêmes règles de preuve et d'indemnisation.
La faute intentionnelle de l’employeur, qu'est-ce que c'est ?
La faute intentionnelle est un cas particulier. Elle implique un acte volontaire de l’employeur avec l'intention de causer des dommages corporels, physiques ou psychiques, à la victime.
Elle est assez difficile à obtenir devant les juridictions, parce qu'il faut démonter une véritable agression directe de la part de l'employeur, qui va bien au-delà de sa simple négligence fautive.
Puis-je déposer plainte ?
Déposer plainte, auprès de la police ou du procureur de la République est toujours possible. Dans certains cas c’est une bonne idée, et dans d'autres il est possible de gagner votre dossier sans cela.
Les enquêtes de police durent parfois très longtemps, malheureusement. Parfois plusieurs années.
En tous cas, un simple dépôt de plainte n'interrompt pas le délai de prescription de deux ans. Il faut donc rester prudent et soulever la faute inexcusable auprès de la caisse de sécurité sociale.
J'ai été victime d'un accident de trajet, puis-je attaquer mon employeur ?
L'accident de trajet est un cas particulier : c'est l'accident (peu importe sa cause) qui arrive à un salarié qui se rend sur son lieu de travail, ou qui retourne à son domicile.
Dans ce cas, il n'est pas possible de soulever une faute inexcusable de l'employeur.
ATTENTION (1) : Si un chauffeur ou un VRP a un accident en mission, cela peut être un accident du travail, même s'il est arrivé pendant un « trajet ». Dans ce cas, on peut envisager une faute inexcusable de l'employeur.
ATTENTION (2) : Ce n’est pas parce qu'on ne peut pas attaquer votre employeur pour un accident de trajet qu'il n'y a pas de responsable. Si vous avez été victime d'un accident de la circulation, ou agressé(e) en vous rendant sur votre lieu de travail par exemple, nous pouvons vous faire indemniser de votre préjudice.
J'ai été victime d'un accident du travail, mais mon employeur n'y est vraiment pour rien, que puis-je faire ?
Si ce n’est pas votre employeur le responsable de l'accident, alors ce ne sont pas les règles de la faute inexcusable de l’employeur qui sont applicables.
Cependant, si le responsable de l'accident est un tiers (une autre société sur un même chantier, un particulier, un conducteur automobile, un agresseur...), alors il y a sans doute moyen pour nous de vous aider, même en l'absence de faute inexcusable de l'employeur.
Est-ce que mon employeur va me licencier si je lance cette procédure ?
Il est évidemment plus confortable d'attaquer un ancien employeur que son employeur actuel.
Personne ne peut connaître la réaction d'un employeur dont le salarié fait valoir une faute inexcusable. Certains sauront faire la part des choses, d'autres non.
Deux certitudes tout de même :
- Une fois le délai de prescription de deux ans passé, vous ne pourrez plus revenir en arrière, même si votre employeur décide de vous licencier ou de vous mener la vie dure.
- D'après notre expérience, un employeur n'est jamais reconnaissant à une victime de ne pas l'avoir attaqué.
Est-ce que je peux attaquer mon employeur aux prud'hommes ?
Vous pouvez saisir le conseil de prud'hommes de tous les sujets liés à votre contrat de travail, mais il n'est pas légalement compétent pour reconnaître une faute inexcusable de l'employeur.
C'est la compétence exclusive du pôle social du Tribunal Judiciaire.
Maintenant que j’ai lu tout ceci, puis-je me défendre seul(e) ?
A vous de voir, la représentation par un avocat n’est pas obligatoire devant le Tribunal.
Simplement, plaider devant un Tribunal est un métier qui ne s'improvise pas, et le droit de la sécurité sociale est de surcroit très technique (au point que tous les avocats ne le maitrisent pas).
Les juges ont l'habitude qu'on leur présente un dossier préparé par un avocat, et n'ont pas forcément la même patience avec un simple justiciable.
De son coté, vous pouvez être sûr(e) employeur aura un avocat spécialisé (probablement désigné par son assureur), qui connaitra très bien cette matière.
Pour une égalité des armes, nous vous conseillons d'être assisté par un avocat ayant une bonne connaissance de ce sujet particulier qu’est la faute inexcusable de l’employeur.
J'ai une petite question complémentaire, puis-je vous contacter ?
Oui, bien sûr. Notre vocation est d'aider les victimes dans leurs démarches. Nous sommes d'accord pour vous guider par téléphone sur des problèmes simples. Nous le faisons gratuitement, dans la limite du raisonnable évidemment.
Pour des sujets plus complexes, il faudra convenir d'un rendez-vous. Au moment de la prise de rendez-vous, le tarif de la consultation vous sera indiqué en toute transparence.