vendredi 13 novembre 2020

Indemnisation d'un jeune traumatisé crânien : une lutte pour faire reconnaître le « handicap invisible »

Par arrêt du 17 septembre 2020, la Cour d'Appel de PARIS répare le préjudice subi par notre client en lui allouant une indemnité de 319.168,14 euros.


Voici un résultat dont nous sommes particulièrement heureux. Il arrive au terme d'un long combat pour faire comprendre et reconnaître le préjudice subi dans ce cas très particulier.


Dans les couloirs du métro Châtelet, un jeune homme de 25 ans est brutalement agressé par un individu qui estime avoir été bousculé. Il donne à notre jeune client un violent coup de poing à la mâchoire, puis de nombreux coups au visage et sur le corps. L'agresseur s’enfuit ensuite, et ne sera jamais retrouvé.


La victime a unedouble fracture de la mâchoire et un traumatisme crânien et facial.


Ce traumatisme crânien lui laissera des séquelles définitives, avec des problèmes de mémoire, de concentration, et des difficultés attentionnelles. Le tout complété d'un syndrome dépressif post-traumatique.


Nous avons saisi la Commission d’Indemnisation des Victimes d'Infractions, qui permet d'indemniser une victime quand bien même son agresseur a disparu ou est insolvable.


La particularité de ce dossier est que notre client souffrait déjà, avant son agression, d'une maladie dégénérative qui l'empêchait d'avoir une activité physique. 


Il ne pouvait donc pas occuper d'emploi avec des travaux manuels ou physiques et, depuis l'agression, n'était plus capable d'aller vers des emplois intellectuels, en raison des séquelles neurologiques et psychiques.


Cela, il a fallu s'acharner pour le faire reconnaître, car les premières expertises retenaient un préjudice minime, essentiellement dû à la dépression.


Ce n'est pas pour rien que le traumatisme crânien est surnommé le « handicap invisible ».


Face à des experts qui passaient manifestement à coté de la réalité du préjudice, nous avons pu obtenir qu'un neurologue soit désigné pour réévaluer l'ensemble du préjudice. Mais même ce dernier a limité à 14% de taux du déficit fonctionnel permanent, et ne comprenait pas complètement les graves conséquences de l'agression sur le reste de vie de notre client.


Malgré tout, nous sommes parvenus à faire indemniser une incidence professionnelle et une perte de revenus jusqu'à la retraite, pour un jeune homme de 25 ans.


Le préjudice scolaire, dans ce dossier, était important, puisqu'au moment de son agression, notre jeune client était en contrat de professionnalisation depuis 6 mois. La Cour d'Appel a accepté d’indemniser la perte de ses deux années de formation professionnelle.


L'autre particularité de ce dossier, c’est que notre adversaire était allé chercher sur le compte Facebook de notre client quelques photos sur lesquelles il était souriant et entouré d'amis, pour en conclure (malgré tous les avis médicaux) que notre client était un simulateur !


C'était scandaleux. Notre client en a été meurtri, lui qui aurait tellement voulu avoir une vie normale se voyait, en plus, traiter d'escroc !


Même si cela peut paraître évident, il nous a fallu longuement plaider que cesphotos Facebook ne sont pas automatiquement l'exact reflet de la réalité : on ne peut pas reprocher à une victime de se montrer à ses amis Facebook sous son meilleur jour, plutôt que seul et prostré à son domicile...


Heureusement, la Cour d'Appel nous a suivi, et a écarté toutes ces accusations gratuites contre notre client.


Il est indemnisé de son préjudice à hauteur du préjudice subi. A présent, nous espérons que ces dommages et intérêts lui offriront d'avoir un point d'appui pour envisager son avenir.


Cliquez pour télécharger la décision

lundi 12 octobre 2020

Agression d'un chauffeur de bus : son employeur a manqué à son obligation de sécurité et doit être sanctionné (faute inexcusable de l'employeur)

 Nous sommes fiers et heureux de publier cet arrêt de la Cour de Cassation, rendu le 8 octobre 2020 dans un de nos dossiers. Les sociétés de transports ont vis à vis de leurs chauffeurs une obligation de sécurité de résultat, et ne peuvent les laisser seuls face à un risque d'agression.


OZOIR-LA-FERRIÈRE, un chauffeur de bus salarié de la société N°4 MOBILITÉ (groupe TRANSDEV) a été dans roué de coups dans son véhicule, par 3 individus ayant refusé de présenter un titre de transport. 


Ses agresseurs n'ont jamais été identifiés.


Cette agression étant un accident du travail, notre client a choisi d'engager une procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, en estimant que ce dernier n'avait rien fait pour le protéger d'un danger dont il avait connaissance.


Devant les juges, la société N°4 MOBILITÉ a revendiqué l'absence de mesures de sécurité dans ses bus. Elle estimait que rien ne permettait de prévoir une agression, et qu'elle ne pouvait donc pas mettre en place de mesures adaptées.


La Cour de Cassation censure la décision de la Cour d'Appel, qui avait suivi ce curieux raisonnement de l'employeur.


En effet, pour que la faute inexcusable de l'employeur soit reconnue, il faut prouver que ce dernier avait, ou aurait dû, avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé.


La conscience du danger nous parait évidente dans ce dossier, puisque sur la même commune, 24 agressions avaient eu lieu en 20 mois. L'employeur estimaient que ce n'était pas suffisamment significatif...


Le CHSCT avaitsignalé deux mois plus tôt les problèmes de sécurité auxquels les chauffeurs de bus travaillant à OZOIR-LA-FERRIÈRE étaient exposés. Malgré cela, l'employeur estimait qu'il y avait « relativement peu d’agressions ».


Enfin, le même chauffeur de bus avait été victime 3 jours plus tôt d'une agression (gifles lunettes cassées, et vol de son portable professionnel). Il l'avait signalé, tout en demandant à être changé de ligne. L'employeur parlait de « crainte subjective » de notre client et ne voyait pas en quoi cela pouvait lui donner à penser que courrait un danger !


La Cour de Cassation en conclut que ces éléments suffisaient à prouver que l'employeur avait, ou aurait dû, avoir conscience « du risque d'agression physique auquel étaient exposés les conducteurs ».


Nous espérons qu'après cet arrêt, certaines sociétés de transports se rappelleront qu'elles ont vis à vis de leurs chauffeurs une obligation de sécurité de résultat, et ne les laisseront plus seuls face à un risque permanent d'agression.

Cliquer pour télécharger



mercredi 15 juillet 2020

Faire reconnaître un traumatisme psychologique comme accident du travail ou maladie professionnelle - Réponses à vos questions - la FAQ

Un traumatisme psychique, un choc psychologique, ou une dépression nerveuse peuvent-ils être reconnus comme accident du travail ? Comment faire ?

Quels sont les principaux obstacles, et que faire en cas de refus par la Sécurité Sociale ?

Stratégiquement, vaut-il mieux déposer une déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle ?

Comment défendre mon dossier ?


Un accident du travail, qu'est ce que c'est ?

L'article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale prévoit qu'« est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

Par un 
arrêt du 2 avril 2003, la Cour de Cassation est venue préciser la notion d'accident du travail :

« Vu l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ; Attendu qu'il résulte du texte susvisé que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événementssurvenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci » (Cass. Soc. 2 avril 2003, pourvoi n°00-21768).

Cette lésion corporelle doit s'entendre au sens large, c'est à dire incluant un simple malaise, ou une atteinte psychique.

Pour tout accident du travail, il doit exister :

- un événement soudain,
- une lésion médicalement constatée,
- un lien de causalité entre les deux.

Si ces trois critères sont réunis, l'accident du travail doit être reconnu par la Sécurité Sociale.


Et un choc psychologique au travail, qu'est-ce que c'est ?

Peu importent les termes utilisés : selon les circonstances, on peut parler de « choc psychologique », de « traumatisme psychologique », de « malaise », de « crise d'angoisse », ou encore de « crise de larmes »... Cela n'a aucune d'importance.

Nous parlons ici d'un événement, peu important sa cause (altercation, remontrances, surcharge de travail, être agressé verbalement par un client, assister au suicide d'un collègue...), qui cause une lésion psychique médicalement constatée.

Il ne faut donc pas se laisser impressionner par les propos caricaturaux que vous pourrez entendre ici ou là, du type : « maintenant, dès qu'on fait un reproche à un salarié, il déclare un accident du travail ».

Nous parlons pas ici des désagréments normaux de la vie professionnelle, mais de blessures constatées par un médecin.

A ceux qui moquent des salariés « fragiles » ou « capricieux », nous répondons qu'il n'est pas normal de s'effondrer en larmes à son poste de travail, de sortir complètement anéanti d'un entretien professionnel, ou de faire un malaise sur son lieu de travail. 


J'ai entendu parler de la « présomption d'imputabilité », qu'est-ce que ça veut dire ?

Cette présomption résulte directement de l'article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale (cité plus haut) : pour qu'un accident du travail soit reconnu, il suffit qu'il qu'il soit produit au temps et au lieu du travail, c’est à dire sur le lieu de travail (y compris les dépendances de l'entreprise : cantine et parking par exemple) et pendant l'horaire de travail.

La présomption d'imputabilité permet de voir son accident plus facilement reconnu.

La seule manière pour la CPAM de s'opposer à cette présomption serait de démontrerque l'événement en question a une cause totalement étrangère au travail.

Le 4 mai 2017, la Cour de Cassationa rappelé quetout choc ou malaise arrivé sur le lieu du travail, à condition évidemment qu'une lésion psychologique soit médicalement constatée, doit donc être reconnu comme accident du travail (Cass. Civ. 2ème, 4 mai 2017,  pourvoi n°15-29411).


Et si ça m'arrive en dehors des temps et lieu de travail ?

Lorsque l'accident ne s'est pas produit sur le lieu de travail, ou au temps du travail, vous pouvez quand le faire reconnaître si vous démontrez malgré tout l'existence d'une lésion soudaine, arrivée par le fait du travail(c'est à dire en lien direct et certain avec le travail).

Malheureusement, cette preuve risque d'être difficile à apporter. La caisse de sécurité sociale, et l'employeur, insisteront sur le fait qu'un choc émotionnel survenu hors du lieu de travail peut fort bien trouver sa cause dans la vie personnelle du salarié.

Ce n'est pour autant pas impossible : la Cour de Cassation a reconnu, après expertise médicale, l'accident du travail d'un salarié ayant développé une dépression nerveuse 2 jours après avoir été avisé par son supérieur hiérarchique qu'il ne donnait pas satisfaction, et qu'il était rétrogradé (Cass. Soc. 1er juillet 2003, pourvoi n° 02-30576).

S'agissant d'un salarié ayant tenté de mettre fin à ses jours à son domicile, la Cour de Cassation a jugé « qu'un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail » (Cass. Civ. 2ème, 22 février 2007, pourvoi n°05-13771).


Que doit prouver la victime ?

Malheureusement, tous les accidents de ce type ne sont pas aussi spectaculaires qu'une altercation violente, et ne se produisent pas toujours devant témoins. 

Que faire quand le salarié est seul à ce moment-là, ou que tout se passe au cours d'un entretien dans un bureau fermé ? 

La preuve d'un choc psychologique au travail peut être apportée par tous moyens(témoignages, e-mails...).

Le principe est toujours le même : la victime doit faire en sorte de montrer que les critères de l'accident du travail sont réunis :

- Un événement soudain : L'important est qu'il s'agisse d'un événement parfaitement datable, situable dans le temps. Cela peut être une altercation avec un(e) collègue, une agression verbale, des menaces, ou même la réception d'un e-mail... Peu importe, du moment qu'on sait précisément quand cela s’est produit.

- Une lésion médicalement constatée : il faut que le choc/traumatisme psychologique ait été constaté, peu important que cela soit par le médecin du travail, un médecin traitant, ou les pompiers appelés sur les lieux par exemple. Un médecin devra ensuite établir un certificat médical initial pour la CPAM, avec, le plus souvent, un arrêt de travail.

- Un lien de causalité entre les deux : si l’événement s'est produit aux temps et lieu de travail, ce lien sera présumé, mais si cela n'a pas été le cas, il y aura un important travail de réunion de preuves. 


Ce genre d'accident est-il facilement reconnu par la CPAM ?

Chaque cas est différent, mais il faut tout de même savoir que les caisses de sécurité sociale sont plus réticentes à reconnaître ce type d'accident qu'un accident du travail « classique » (chute, coupure, glissade...).

Même lorsque la présomption d'imputabilité devrait s’appliquer sans problème, la victime d'un choc psychologique se voit encore trop souvent opposer un refus par la CPAM, motivé par l'« absence de fait accidentel ». 

Il ne faut pas se laisser impressionner : si l'on a des preuves, il ne faut pas hésiter à contester une décision de refus devant la commission de recours amiable, puis devant le pôle social du Tribunal Judiciaire.


Et les Tribunaux, reconnaissent-ils facilement ce type d’accident du travail ?

Facilement non, mais un dossier bien préparé peut être gagné devant le Tribunal, si des pièces justifient les circonstances de l'accident et les lésions subies.

En revanche, la parole de la victime, sans preuves, ne suffira jamais.

Il faut savoir que, certains juges (certainement pas la majorité) portent un regard suspicieux sur ce type d'accident, avec l'idée que pour être un « vrai » accident du travail, un choc psychologique doit obligatoirement résulter d'une faute de l'employeur ou d'un supérieur, ou d'un comportement anormal.

Autrement dit, il existe une tendance à considérer que si un salarié a été victime d'un malaise suite à un choc psychologique sur le lieu de travail, encore faut-il que cette victime ait eu « de vraies bonnes raisons » d'avoir ce malaise...

Ces réticences peuvent être combattues : les juges ne peuvent pas ajouter une condition de faute non exigée par la loi, qui demande simplement un « accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail ».


Et si je n'arrive vraiment pas à avoir de preuves ?

Ce n'est évidemment pas facile, surtout lorsqu'on a des problèmes de santé, de constituer un dossier.

Certains dossiers n'aboutiront jamais, faute de preuves.

Cependant, des mois après, il est parfois possible d'obtenir des preuves qu'on n'avait pas au départ. Par exemple, parce qu'un collègue s'est finalement décidé à témoigner, ou que la personne qui vous harcelait a commencé à s'en prendre à quelqu'un d'autre, et que l'employeur a cette fois réagi.

Nous recommandons donc de ne pas baisser les bras et, si un dossier est un peu « juste », de tout de même contester les décisions de la CPAM, en espérant récupérer au fil du temps des éléments probants.


Est-ce qu'il vaut mieux déclarer un accident du travail ou une maladie professionnelle ?

Contrairement à l'accident du travail, qui nécessite un événement soudain, la maladie professionnelle implique une dégradation progressivede l’état de santé de la victime, en lien avec le travail.

Dans la réalité, les choses sont parfois floues : un choc psychologique soudain peut très bien arriver au terme d'une lente dégradation des conditions de travail de la victime, déjà fragilisée.

On déclarera un accident du travail lorsqu'il existe un événement suffisamment significatif, datable, et dont la preuve pourra être rapportée : une agression, une altercation, des remontrances publiques, une réunion houleuse...

On déclarera une maladie professionnelle lorsqu'on peut démontrer que c’est la dégradation des conditions de travail qui est à l'origine de la dégradation de l'état de santé de la victime. Ici, la preuve à rapporter n'est plus centrée sur un seul événement, mais sur un contexte.

A noter que rien n'interdit, pour la même situation de travail, de déclarer aussi bien un accident du travail qu'une maladie professionnelle. Avec tout de même le risque que la CPAM estime que la victime ne sait pas ce qu'elle veut.

La meilleure stratégie doit donc être décidée au cas par cas, en fonction des éléments de preuve que la victime aura pu réunir.

Trop souvent, nous sommes confrontés à un argumentaire de la CPAM selon lequel une dépression, (qui s'installe nécessairement dans le temps), ou un harcèlement moral (qui ne résulte pas d'un fait unique, mais d'une série d'événements), ne peuvent pas être la cause d'un accident du travail.

C'est évidemment faux : un événement soudain, pouvant être daté, peut être « la goutte d'eau qui fait déborder le vase » dans un contexte de difficultés professionnelles. Un accident du travail peut alors être déclaré.


La procédure de reconnaissance de l'accident du travail :

À partir du moment où un accident du travail est déclaré, la CPAM procède à une instruction, le plus souvent écrite, sous la forme d'un envoi de formulaire à la victime et à son employeur.

Une enquête peut avoir lieu, mais elle reste rare.

Sur cette base, la CPAM prendra sa décision.

Comme indiqué plus haut, il ne faut pas se laisser abattre par une décision négative, malheureusement trop répandue dans ce type de dossier.


La procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle :

Aucun tableau de maladie professionnelle n'existe pour l'instant pour la souffrance au travail, le « burn-out », ou le « bore out ».

Il faut déclarer cette maladie professionnelle avec l'aide de son médecin. La CPAM fera une enquête plus ou moins approfondie, mais qui se résume le plus souvent à entendre la victime, l'employeur et parfois quelques collègues.

Si le médecin-conseil de la CPAM estime que le taux d'incapacité prévisible pour la pathologie dont souffre la victime est de plus de 25%, le dossier sera examiné par un CRRMP (Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles). Si ce comité rend un avis en faveur de l'existence d'une maladie professionnelle, elle sera reconnue.

Si l'avis est négatif, il ne faut pas hésiter à le contester devant un Tribunal.


Et si j'étais déjà fragile, va-t-on me le reprocher ?

Même si cela a pu arriver, force est de constater qu'un choc psychologique arrive rarement à un salarié en pleine santé, qui s'épanouit pleinement au travail !

Le plus souvent il existe déjà un contexte, avec une dégradation des conditions de travail, ou de mauvaises relations avec la hiérarchie ou les collègues.

Comme indiqué au paragraphe précédent, un accident du travail peut être reconnu même si la victime avait déjà été fragilisée par un harcèlement moral, un surmenage professionnel, ou un  « burn out ».

Bien sûr, il existe aussi des cas où la victime présentait avant l'accident une fragilité personnelle sans lien avec le travail.

Il y aura obligatoirement un débat à ce sujet, mais même une personne psychiquement fragile peut être victime d'un accident du travail. 

A titre d'exemple, par un arrêt du 13 mai 2008, la Cour d'Appel de Grenoble a reconnu un accident du travail pour une personne ayant développé un syndrome anxio-dépressif et un tableau de surmenage psychologique en lien avec l'activité professionnelle, à partir ud moment où on l'a trouvée sur son lieu de travail en état de choc, en grand stress, en pleurs et tremblante. (Cour d'appel de Grenoble, arrêt du 13 mai 2008, RG n° 07/02934).


Et si mon employeur fait des réserves auprès de la CPAM ?

Un choc psychologique au travail n'implique pas forcément une responsabilité de l’employeur. Certains employeurs laisseront donc la CPAM se prononcer sans essayer d'interférer dans sa décision.

D'autres s'acharneront à répéter qu'il ne s'est « rien passé de spécial » au moment où la victime a eu un malaise, ou reçu un choc émotionnel. 

Vous n'avez aucune prise sur les réserves que votre employeur est susceptible d'envoyer à la CPAM. Votre priorité doit être d'avoir la preuve des circonstances dans lesquelles vous avez été victime d'un accident.

Il arrive également que l'employeur ne fasse même pas de déclaration d'accident du travail (alors qu'il a l'obligation de déclarer tout accident du travail dont il a connaissance : art. L.441-2 du Code de la Sécurité Sociale).

Dans ce cas, vous avez le droit de déclarer vous-même cet accident du travail. Même s'il est préférable de ne pas tarder, sachez que le délai de prescription est de deux ans. Toute déclaration d’accident du travail faite avant l'expiration de ce délai de deux ans sera obligatoirement examinée par la CPAM.


Faut-il faire d'abord reconnaître un harcèlement moral ?

La harcèlement moral est une notion de droit du travail (art. L.1152-1 du Code du Travail et de droit pénal (art.222-33-2du Code pénal). Ce n’est pas une notion de droit de la sécurité sociale.

Cela veut dire que la CPAM et les juges ne s'intéressent pas à l'existence d'un harcèlement moral. Ce qui les préoccupe c’est uniquement de savoir si les conditions légales pour la reconnaissance d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle sont réunies.

Ils ne portent pas directement de jugement sur le comportement de l'employeur, et se contentent d'examiner les circonstance de l'accident, ou le lien entre les conditions de travail (peu importe qu'elles soient fautives) et la dégradation de l'état de santé de la victime.

Sachez aussi que si vous parlez de « harcèlement moral » dans vos courriers à la CPAM, elle aura tendance à estimer que vous êtes dans un cas de lente dégradation de vos conditions de travail, donc (selon elle) de maladie professionnelle, et pas d’accident du travail.


Est-ce que je peux engager une procédure de faute inexcusable de l'employeur ?

Une chose après l'autre. Avant de vous poser la question de la responsabilité de votre employeur, faites déjà reconnaître votre accident du travail ou votre maladie professionnelle.

Vous pouvez vous reporter à notre article sur la faute inexcusable de l'employeur.


Au fait, quel est l'intérêt de faire reconnaître cela par la CPAM ?

Par delà le soulagement de faire reconnaître par la sécurité sociale un accident ou une maladie en lien avec le travail, il existe des conséquences financières et juridiques concrètes :

- Des indemnités journalières supérieures (80% de votre salaire au lieu de 50% pour une maladie « simple »).

- Alors qu'un arrêt maladie « simple » ne peut dépasser trois ans, un arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle n'a pas de durée minimum. Dans les cas où l'état de santé de la victime est très dégradé, cela fait une vraie différence.

- S'il reste des séquelles de cet accident du travail ou cette maladie professionnelle, elles peuvent donner lieu au paiement d'une rente viagère.

- En cas de licenciement pour inaptitude, dans le cas où l'accident du travail/maladie professionnelle a été reconnu, il est plus facile de faire reconnaître que cette inaptitude à une origine professionnelle, ce qui implique des indemnités de rupture plus élevées. Il est aussi plus facile de faire valoir la nullité du licenciement, en reprochant à l'employeur un manquement à son obligation de sécurité.



J'ai du mal à me situer, avez-vous avez des exemples de situations réelles à me donner ?

Chaque cas est évidemment différent, mais voici des situations vécues par nos clients :


1/ Une cadre dirigeante prépare depuis plus d'une semaine une réunion de travail en vue d'un conseil d'administration. Elle s'y présente avec les nombreux dossiers qui doivent être discutés, mais son employeur, au lieu d'aborder les sujets prévus, lui remet une lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement.

Au sortir de cet entretien, la salariée s'effondre en larmes. Son médecin constate un état de détresse important. S'en suivront un long arrêt de travail et un lourd suivi médical.

La CPAM refuse de prendre en charge cet accident du travail, au motif (classique en la matière) que l'entretien s'est déroulé « calmement et sur un ton courtois », ce qui impliquerait l'absence de choc psychologique, et donc d'accident du travail.

En août 2019, le Tribunal Judiciaire de NANTERRE va suivre notre argumentaire, et reconnaître qu'il s'agit d'un accident du travail : « Les troubles psychologiques générés par un choc émotionnel peuvent revêtir le caractère d'un accident du travail dès lors qu'il est établi un lien de causalité entre le traumatisme allégué s'étant produit à une date certaine et le fait accidentel ».

Cliquez pour télécharger la décision


2/ Une assistante de direction se suicide dans sa voiture, sur un parking situé non loin du cabinet de son médecin traitant.

Nous avons démontré qu'elle avait été recrutée sur un poste sensible, alors qu'ellen'avait ni expérience ni formation sur le sujet qui lui était confié, qui l'a rapidement dépassé.

Pour être à la hauteur, elle s’est fortement engagée dans le travail, travaillant la nuit et le week-end. Elle fondait en larmes à son poste de travail au moins une fois par semaine. 

Son supérieur hiérarchique avait à son égard un comportement grossier, et lui avait brutalement supprimé des congés payés négociés plusieurs mois plus tôt.

Par un arrêt du 18 janvier 2019, retenant ces éléments, la Cour d'Appel de PARIS a jugé que « la cause du décès de Mme X. est imputable à son travail, son suicide de revêtant pas un caractère volontaire puisant son origine dans des difficultés privées et personnelles. »

Cliquez pour télécharger la décision


3/ Dans les minutes qui ont suivi une violente altercation avec sonemployeur, une secrétaire présente un grave choc émotionnel, se traduisant par une crise de larmes, des maux de tête et un évanouissement.

Notre cabinet a obtenu que, par jugement du 19 septembre 2013, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris considère cet événement comme un accident du travail, lié à la pression subie à son poste, dans un contexte de « burn out ».

Cliquez pour télécharger la décision


4/ Une salariée ouvre sur son lieu de travail une lettre recommandée envoyée par son employeur, dans laquelle on lui annonce que va être engagée à son encontre une procédure de licenciement. Devant ses collègues, elle s'effondre en pleurs, et développe par la suite un grave syndrome dépressif.

Nous avons pu obtenir du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris que, par jugement du 31 octobre 2012, il reconnaisse cet accident du travail.

Cliquez pour télécharger la décision


Cabinet Guillaume COUSIN

Avocats à la Cour

15 bis, rue Alexandre Parodi - 75010 PARIS

Tél. : 01 71 19 95 74

guillaumecousin@yahoo.fr

Nouveau : WhatsApp du cabinet : 06 18 39 51 86

lundi 15 juin 2020

Face à une plainte pour harcèlement moral, l'employeur qui n'agit pas est sanctionné

Face à une plainte pour harcèlement moral, l'employeur qui n'agit pas est sanctionné


Vis à vis de ses salariés, l'employeur a une obligation de sécurité, qui résulte de l'article L.4121-1 du Code du Travail.


Ce texte oblige l'employeur à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il doit notamment mener « des actions de prévention des risques professionnels ».


Face à une plainte pour harcèlement moral, l'employeur a donc des responsabilités, quoi qu'il pense de la valeur de cette plainte. Il ne peut pas rester inactif.


C'est ce qu'a rappelé la Cour de Cassation dans un arrêt du 27 novembre 2019.


Dans cette affaire, une salariée s'était plainte du harcèlement moral qu'elle estimait subir de la part de sa supérieure hiérarchique. Elle était ensuite licenciée pour insuffisance professionnelle.


La Cour d'Appel a jugé que le harcèlement moral n'était pas prouvé. Dont acte.


En revanche, elle en a déduit que puisqu'il n'y avait pas eu de harcèlement moral, il ne pouvait pas être reproché à l'employeur de ne pas avoir diligenté une enquête.


Ce raisonnement est très discutable, parce qu'il ne respecte pas la notion même de prévention.


Avant enquête, il n'est pas possible d'être certain de l'absence de harcèlement.


D'ailleurs, s'il y avait eu une enquête, peut-être la salariée n'aurait-elle pas manqué de preuves devant la justice. Peut-être, aussi, son employeur aurait-il pu faire quelque chose pour la protéger, elle, mais aussi ses collègues.

Cet arrêt d'appel est cassé par la Cour de Cassation, qui rappelle que l'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du Code du Travail et ne se confond pas avec elle.


Autrement dit, l'employeur doit avant tout respecter son obligation de prévention du harcèlement, peu important ce qu'il pense de la plainte, peu important que ce harcèlement existe.


Rappelons qu'en matière d’obligation de sécurité, la Cour de Cassation est de plus en plus sévère avec l’inertie de certains employeurs.


Ainsi, l'employeur informé d'une dégradation de l'état de santé du salarié due à ses conditions de travail,est tenu de prendre des mesures de prévention concrètes, qui ne peuvent résumer à de simples réunions (Cass. Soc.17 octobre 2018, pourvoi n°17-17985)


La responsabilité de l'employeur est engagée s'il n'a pas pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du Travail (Cass. Soc. 25 novembre 2015, pourvoi n°14-24444).

jeudi 4 juin 2020

Inaptitude : Le salarié inapte a déjà retrouvé un emploi ailleurs. Son employeur doit-il quand même maintenir son salaire ?

L'article L.1226-4 du Code du Travail prévoit qu'un mois après la visite de reprise, un employeur qui n'a, ni reclassé, ni licencié son salarié déclaré inapte à son poste reprend le paiement du salaire, et ce tant qu'il n'aura pas pris une décision sur l'avenir du contrat de travail.

Le but de ce texte est de ne pas laisser s'installer un statu quo, et de pousser l'employeur à mettre en œuvre le reclassement du salarié déclaré inapte, ou de prendre la décision de le licencier pour inaptitude.

Le maintien de salaire doit comprendre l’ensemble des éléments de rémunération que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé (dont les primes et les heures supplémentaires).

La Cour de Cassation a déjà jugé que l'employeur n'a pas le droit de faire une réduction sur le salaire dû, quelles que soient ses raisons.

Ainsi, le salarié devra être payé de 100% de son salaire même si, en même temps, il a perçu des prestations de la sécurité sociale ou d'un organisme de prévoyance (Cass. Soc. 18 décembre 2013, pourvoi n° 12-16460).

Encore une fois, ce maintien de salaire a pour but de pousser l'employeur à se décider.

Par un arrêt du 4 mars 2020, la Cour de Cassation va encore plus loin.

Il s'agissait d'une salariée déclarée inapte le 12 septembre 2014, et qui avait retrouvé un emploi à temps plein chez un autre employeur 5 jours plus tard. Elle cumulait ainsi virtuellement deux emplois à temps plein.

Son précédent employeur l'avait licencié que le 3 décembre 2014, soit près de trois mois après le constat de l'inaptitude. 

Pendant la procédure prud'homale, il avait découvert que la salariée avait retrouvé un emploi plus vite qu'il le croyait, et exigé le remboursement du maintien de salaire indûment versé (à son avis) jusqu'au licenciement.

La Cour d'Appel avait suivi l'employeur, et condamné la salariée à rembourser ces salaires.

La Cour de Cassation casse l'arrêt de la Cour d'Appel et rappelle qu'en toute hypothèse, ce maintien de salaire est dû jusqu'au licenciement.

Le maintien de salaire étant la sanction du retard de l'employeur dans sa prise de décision, il DOIT être payé. Aucune excuse n'est acceptée.


mardi 19 mai 2020

Activité du cabinet et COVID-19

Le cabinet a repris depuis quelques jours une activité parfaitement normale.

Des mesures ont été prises pour vous recevoir en parfait respect de votre sécurité sanitaire.

Tout a été mis en oeuvre pour le respect des gestes barrières.

Du gel hydro-alcoolique et des masques sont mis à votre disposition.

vendredi 17 avril 2020

Faute inexcusable de l'employeur - Réponses à vos questions - la FAQ

Comment faire reconnaître une faute inexcusable de l'employeur ?
Quels sont les délais ?
Comment défendre mon dossier ?

Voici les réponses aux questions qui nous sont le plus souvent posées par nos clients.


La faute inexcusable de l'employeur, qu'est-ce que c'est ?

La faute inexcusable de l'employeur est prévue par les articles L452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale.

C'est une manière pour les victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice, à la fois par leur employeur et par la CPAM.

La Cour de Cassation la définit comme ceci : 
En vertu du contrat de travail, l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles/les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.


Que doit prouver la victime ?

Avant toute chose, si un(e) salarié(e) a été victime d'un accident du travail, il (elle) doit pouvoir prouver les circonstances de l’accident. Sa bonne foi, ou le fait que l'accident a été reconnu par la sécurité sociale, peuvent ne pas être suffisantes.

Si il (elle) a été victime de maladie professionnelle, il (elle) doit prouver qu'il (elle) a été exposé(e) au risque qui a causé la maladie professionnelle : soulèvement répété de charges lourdes, charge de travail trop importante, inhalation de produits chimiques ou de poussières...

Ensuite, juridiquement, pour que la faute inexcusable de l'employeur soit reconnue par le Tribunal, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle doit démontrer :

1/Que son employeur avait, ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel il était exposé.

L'employeur est censé connaître les règles de sécurité mises à sa charge par le Code du Travail. 

Il est aussi censé avoir connaissance d'un danger qui lui a été signalé avant l'accident par la victime elle-même, ou un représentant du personnel (art. L.4131-4 du Code du Travail).

2/Que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger.

L'idéal est d’avoir la preuve que l'employeur a été négligent, en oubliant par exemple de fournir du matériel adapté. 

Cependant, si le salarié a apporté suffisamment de preuves sur le premier point, ce sera à l'employeur de se donner le mal de prouver qu'il a respecté toutes les règles de sécurité applicables.

Une fois cette preuve apportée, la responsabilité de l'employeur est établie, car il est tenu, par le contrat de travail, d'une obligation de sécurité de résultat.


Quels sont les documents à réunir ?

Le Tribunal aura bien sûr besoin des documents montrant que la sécurité sociale a reconnu l'accident du travail ou la maladie professionnelle, et le taux d'incapacité (en %) fixé.

Il aura besoin aussi des principaux documents médicaux.

Pour le reste, la preuve est libre : courriers, e-mails, témoignages écrits, enquêtes, compte-rendus de réunion des représentants du personnel, photos... tout peut avoir un intérêt.


Que doit prouver l'employeur ?

La cause de notre cabinet est la défense des salariés victimes, et nous n'allons pas ici donner de conseils à des employeurs qui ont manqué à leurs obligations.

Les victimes doivent savoir que certains employeurs peuvent aller très loin pour contester tout ce qui peut l'être, même l'évidence. Il faut donc s'y préparer. 

Dans un dossier où notre client s'était blessé au genou en chutant sur son lieu de travail dans des escaliers non éclairés, son employeur s'acharnait à dire qu'il s'était en réalité blessé le matin même, dans le métro.


Et si j'ai peur de ne pas avoir de preuves ou de témoignages ?

Il y a des dossiers où l'on n'avait au départ aucun élément de preuve, et où les choses finissent par s'arranger.

Parfois, il faut attendre que certains salariés aient quitté l'entreprise ou soient partis en retraite pour qu'ils aient le courage de témoigner. Ou alors, il faut un peu de temps pour qu'une enquête soit terminée.

Nous conseillons d'interrompre dans tous les cas le délai de prescription de deux ans par une lettre recommandée à la caisse de sécurité sociale. Cela laissera ensuite aux choses le temps de se mettre en place.


Et si la victime a été imprudente, ou même a commis une faute ?

La victime pense souvent qu'elle aurait pu éviter l'accident si elle avait été plus adroite, ou plus prudente. Bien sûr, mais cela n'empêche pas la responsabilité de l'employeur.

La jurisprudence est très claire : peu importe que la victime ait commis une faute ou une imprudence. Il suffit que la faute de l'employeur soit une cause nécessaire du dommage.

Autrement dit, il suffit que la faute de l'employeur ait contribué à la réalisation du risque (accident ou maladie). Même si la faute de l'employeur n’est pas la cause unique ou principale de l'accident, le Tribunal doit reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.

De la même façon, un accident ou une maladie peuvent être causés à la fois par la faute d'un tiers (une autre entreprise ou un particulier), la faute de l'employeur et celle de la victime. Le Tribunal recherche simplement si la faute de l'employeur est la cause nécessaire de l'accident ou de la maladie.

Seule une faute inexcusable du salarié peut protéger l'employeur de sa responsabilité. Elle est définie comme
 « la faute volontaire du salarié, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ». Il s'agit du cas où, en toute connaissance de cause, le salarié s’est volontairement et gravement mis en danger. Cela reste une situation très exceptionnelle.


Quels sont les délais pour agir ?

L'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est soumise à un délai de prescription de deux ans.

Ce délai commence à courir :

- pour les accidents du travail, à compter du jour de l'accident ou de la cessation du paiement des l'indemnités journalières AT ;

- pour les maladies professionnelles, à compter de la date de la première constatation par le médecin traitant de la maladie ou de la date de cessation du paiement des indemnités journalières MP.

Etant précisé que ce délai est interrompu par l'exercice d'une action pénale (donc pas une plainte classée sans suite) ou par l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

Contrairement à ce qu'on lit beaucoup, ce n'est donc pas à partir de la consolidation que ce délai court, mais à partir de la fin du paiement des indemnités journalières AT/MP.


Comment lancer la procédure ?

C’est très simple.

Il suffit à la victime d'envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception à la caisse de sécurité sociale dont elle dépend (celle qui a reconnu l'accident du travail ou la maladie professionnelle).

Elle doit indiquer ses coordonnées, et dire qu'elle estime que son accident du travail ou sa maladie professionnelle (dont il faut citer la date pour éviter toute confusion) a été causée par la faute inexcusable de l’employeur.

Cela suffit à interrompre le délai de prescription de deux ans.

Ensuite, la caisse de sécurité sociale est censée organiser une conciliation entre l'employeur et le salarié. Tant qu'elle n'a pas annoncé officiellement que sa démarche de conciliation est terminée, le délai de prescription est suspendu. 

Dès qu'elle constate, soit l'absence de conciliation, soit la carence de l'employeur, un nouveau délai de deux ans pour saisir le Tribunal débute.

Il est aussi possible de se passer de la démarche préalable devant la caisse de sécurité sociale, et de saisir directement le Tribunal.


Devant quel Tribunal ?

La procédure a lieu devant le pôle social du Tribunal Judiciaire dont dépend, soit votre caisse de sécurité sociale, soit le lieu de l'accident.


Que gagne la victime si la faute inexcusable de l'employeur est reconnue ?

Lorsque la faute inexcusable de l'employeur est reconnue, la victime a droit à une indemnisation complémentaire, en plus des prestations de sécurité sociale qu'ele recevait déjà.

Cette indemnisation complémentaire est composée de deux choses :

1/La majoration de rente ou de capital

La rente, ou le capital, payé(e) à la victime après la consolidation de son état de santé seront majorés, et ce pour le restant de ses jours.

Plus le taux d'incapacité fixé (en %) par la sécurité sociale est élevé, plus cette majoration sera importante.

Même si le jugement reconnaissant la faute inexcusable est rendu des années plus tard, la majoration rétroagit à la date de consolidation, avec éventuellement paiement d'arrérages.

2/ Les dommages intérêts

Il s'agit d'une somme fixe, qui indemnise certains postes de préjudice, après expertise médicale.

L'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale prévoit l'indemnisation :

- des souffrances physiques et morales avant consolidation
- du préjudice esthétique
- du préjudice d'agrément (les activité de loisirs que, depuis l'accident, la victime ne peut plus pratiquer, ou avec une gène)
- de la perte de chance de promotion professionnelle

La Cour de Cassation a complété cette liste avec les postes de préjudice suivants :

- les frais d'aménagement d'un véhicule adapté en raison du handicap 

- les frais d'aménagement du logement en raison du handicap
- le préjudice sexuel
- le déficit fonctionnel temporaire (incapacité fonctionnelle et perte de qualité de vie avant la consolidation) 

- le besoin d'assistance par une tierce personne avant consolidation.


Qui paie les indemnités ?

Toutes les sommes obtenues seront payées à la victime par la caisse de sécurité sociale, qui les récupérera ensuite auprès de l’employeur, si elle le peut.

Peu importe donc que la société soit en liquidation judiciaire, la victime est assurée d'être indemnisée.

De même, la victime n'a pas à craindre les frais et délais dus à l'exécution forcée d'une décision de justice.


J'ai été victime de harcèlement moral ou de burn-out, est-ce une faute inexcusable de l'employeur ?

Les chocs psychologiques au travail, le harcèlement moral, ou le burn out, peuvent parfois être reconnus en accident du travail ou maladie professionnelle.

Dans ce cas, il est possible de faire reconnaître une faute inexcusable de l'employeur, avec les mêmes règles de preuve et d'indemnisation.


La faute intentionnelle de l’employeur, qu'est-ce que c'est ?

La faute intentionnelle est un cas particulier. Elle implique un acte volontaire de l’employeur avec l'intention de causer des dommages corporels, physiques ou psychiques, à la victime.

Elle est assez difficile à obtenir devant les juridictions, parce qu'il faut démonter une véritable agression de la part de l'employeur, qui va bien au-delà de sa simple négligence fautive.


Puis-je déposer plainte ?

Déposer plainte, auprès de la police ou du procureur de la République est toujours possible. Dans certains cas c’est une bonne idée, et dans d'autres il est possible de gagner votre dossier sans cela.

Les enquêtes de police durent parfois très longtemps, malheureusement.

En tous cas, un simple dépôt de plainte n'interrompt pas le délai de prescription de deux ans. Il faut donc rester prudent.


J'ai été victime d'un accident de trajet, puis-je attaquer mon employeur ?

L'accident de trajet est un cas particulier : c'est l'accident (peu importe sa cause) qui arrive à un salarié qui se rend sur son lieu de travail, ou qui retourne à son domicile.

Dans ce cas, il n'est pas possible de soulever une faute inexcusable de l'employeur.

ATTENTION (1) : Si un chauffeur ou un VRP a un accident en mission, cela peut être un accident du travail, même s'il est arrivé pendant un « trajet ». Dans ce cas, on peut envisager une faute inexcusable de l'employeur.

ATTENTION (2) : Ce n’est pas parce qu'on ne peut pas attaquer votre employeur pour un accident de trajet qu'il n'y a pas de responsable. Si vous avez été victime d'un accident de la circulation, ou agressé(e) en vous rendant sur votre lieu de travail par exemple, nous pouvons vous faire indemniser de votre préjudice.


J'ai été victime d'un accident du travail, mais mon employeur n'y est vraiment pour rien, que puis-je faire ?

Si ce n’est pas votre employeur le responsable de l'accident, alors ce ne sont pas les règles de la faute inexcusable de l’employeur qui sont applicables.

Cependant, si le responsable de l'accident est un tiers (une autre société sur un même chantier, un particulier, un conducteur automobile, un agresseur...), alors il y a sans doute moyen pour nous de vous aider, même en l'absence de faute inexcusable de l'employeur.


Est-ce que mon employeur va me licencier si je lance cette procédure ?

Il est évidemment plus confortable d'attaquer un ancien employeur que son employeur actuel. 

Personne ne peut connaître la réaction d'un employeur dont le salarié fait valoir une faute inexcusable. Certains sauront faire la part des choses, d'autres non.

Deux certitudes tout de même :

- Une fois le délai de prescription de deux ans passé, vous ne pourrez plus revenir en arrière, même si votre employeur décide de vous licencier ou de vous mener la vie dure.

- D'après notre expérience, un employeur n'est jamais reconnaissant à une victime de ne pas l'avoir attaqué. 


Est-ce que je peux attaquer mon employeur aux prud'hommes ?

Vous pouvez saisir le conseil de prud'hommes de tous les sujets liés à votre contrat de travail, mais il n'est pas légalement compétent pour reconnaître une faute inexcusable de l'employeur. 

C'est la compétence exclusive du pôle social du Tribunal Judiciaire. 


Maintenant que j’ai lu tout ceci, puis-je me défendre seul(e) ?

A vous de voir, la représentation par un avocat n’est pas obligatoire devant le Tribunal.

Simplement, plaider devant un Tribunal est un métier qui ne s'improvise pas, et le droit de la sécurité sociale est de surcroit très technique (au point que tous les avocats ne le maitrisent pas).

Les juges ont l'habitude qu'on leur présente un dossier préparé par un avocat, et n'ont pas forcément la même patience avec un simple justiciable.

De son coté, vous pouvez être sûr(e) employeur aura un avocat spécialisé (probablement désigné par son assureur), qui connaitra très bien cette matière.

Pour une égalité des armes, nous vous conseillons d'être assisté par un avocat ayant une bonne connaissance de ce sujet particulier qu’est la faute inexcusable de l’employeur.


J'ai une petite question complémentaire, puis-je vous contacter ?

Oui, bien sûr. Notre vocation est d'aider les victimes dans leurs démarches. Nous sommes d'accord pour vous guider par téléphone sur des problèmes simples. Nous le faisons gratuitement, dans la limite du raisonnable évidemment.

Pour des sujets plus complexes, il faudra convenir d'un rendez-vous. Au moment de la prise de rendez-vous, le tarif de la consultation vous sera indiqué en toute transparence.