jeudi 3 avril 2014

L'étendue de l'obligation de reclassement de l'employeur

A la suite d'un arrêt maladie, un commercial est déclaré définitivement inapte aux déplacements professionnels, le médecin du travail préconisant une mutation à un poste de type administratif sédentaire.

Son employeur lui propose de le reclasser à un poste d'assistant de chef de projet animation au siège social de la société, à Issy-les-Moulineaux.

Le salarié, qui réside à Sète (Hérault), refuse ce poste.

Il est donc licencié pour inaptitude et impossiblité de reclassement, l'employeur faisant notamment vaoir que tous les postes administratifs de la société sont situés au siège.

Par un arrêt du 25 mai 2011, la Cour de Cassation, dans la lignée de sa jurisprudence, vient de considérer que ce licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, au motif que l'employeur devait envisager un reclassement sur tous les sites du groupe auquel il appartient, peu important que le médecin du travail ait interdit au salarié tout déplacement professionnel.

Fonctionnaires : des dommages et intérêts en cas d'accident de service ou de maladie professionnelle

Le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle peut, si les séquelles sont malheureusement graves, bénéficier d'une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, et d'une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite.

En cas de faute de l'Administration, la victime peut bien évidemment demander aussi la réparation de son entier préjudice.

Mais on ignore encore trop que des dommages et intérêts peuvent être réclamés en l'absence de toute faute de l'administration.

Quelle que soit l'origine de l'accident ou de la maladie, la victime peut en effet obtenir une indemnité en réparation de son préjudice non patrimonial : 

- souffrances physiques ou morales,
- préjudice esthétique,
- préjudice d'agrément
- troubles dans les conditions d'existence.


Quelques exemples parmi tant d'autres :

Un fonctionnaire de la Poste victime d'un accident de la circulation survenu pendant le service.

Une aide soignante ayant été contaminée par une hépatite C (maladie professionnelle).

Un officier de l'armée de terre souffrant de douleurs et de sifflements auditifs persistants suite à des exercices de tirs.

Le décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l'organisation de la médecine du travail

Le décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l'organisation de la médecine du travail entre en vigueur le 1er juillet 2012.

Entre autres mesures, il est important de noter que le salarié bénéficie dorénavant d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel (alors qu'actuellement le délai est de 8 jours pour les accidents du travail et 21 jours pour les arrêts maladie). 

La visite de pré-reprise existe désormais officiellement. Une seule visite suffira pour déclarer le salarié inapte si, dans les 30 jours précédant cet examen, le médecin a déjà rencontré le salarié dans le cadre d'une visite de préreprise.

De plus, le délai pour contester devant l'inspecteur du travail un avis du médecin du travail est fixé à 2 mois. L'avis médical d'aptitude ou d'inaptitude doit mentionner les délais et voies de recours. Il n'y avait auparavant aucun délai particulier.

Force est de constater que ce décret va dans le sens d'un allègement des obligations des employeurs, et par là même d'une diminution de la protection de la santé des salariés.

Les congés payés acquis avant un arrêt de travail pour raisons médicales doivent être reportés après la date de la reprise

Lorsque le salarié s'est trouvé en arrêt de travail lié à un accident du travail ou une maladie professionnelle, il a pu être dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels.

La Cour de Cassation considère que les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail (arrêt du 27 septembre 2007).

Ils ne peuvent donc être considérés comme étant « perdus ». Un refus de l'employeur de prendre ces jours de congés cause un préjudice au salarié, qui peut donner lieu au paiement de dommages et intérêts.

Tel est également le cas lorsque le salarié est victime d'une rechute après avoir repris une première fois son travail, sans avoir eu le temps de prendre l'intégralité des congés payés déjà reportés.

Aux termes d'un arrêt du 16 février 2012, la Cour de Cassation considère que :

« eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ; que ceux-ci doivent être à nouveau reportés quand le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre l'intégralité des congés payés acquis en raison d'une rechute d'accident du travail »

Harcèlement moral et prétendue mauvaise foi du salarié : la Cour de Cassation recadre les choses

Le preuve du harcèlement moral est toujours difficile à rapporter pour le salarié qui en est victime : les témoins, les documents lui manquent trop souvent.

Que se passe-t-il lorsqu'une victime a la confiance, ou la témérité, de faire état à son employeur du harcèlement dont elle souffre ? Il s'agit en général d'un appel au secours.

L'article L.1152-2 du code du travail protège la parole de la victime et des témoins : "aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés".

La seule limite à cette protection est la mauvaise foi. Si le salarié a agi avec de mauvaises intentions, il peut légitimement être sanctionné ou licencié.

Certains employeurs ont décidé d'exploiter cet argument pour hausser le ton, et sanctionner le salarié qui a eu le courage de faire état du harcèlement. Selon eux, sa mauvaise foi résulterait du fait qu'il n'a pas la preuve formelle des agissements dont il souffre.

La Cour de Cassation vient de préciser ce qu'elle entendait par "mauvaise foi".

En l'espèce, une vendeuse avait pour seul tort d'avoir adressé à son employeur un certificat médical d'arrêt de travail faisant état d'un harcèlement moral. Ce dernier l'a mise en demeure de préciser exactement ce qu'elle reprochait, et à qui. Elle ne donnait pas suite à ce courrier, qu'on devine rédigé en des termes peu aimables.

L'employeur ne trouvait alors rien de mieux que de la licencier pour faute grave, au motif que la salariée l'avait placé dans l'impossibilité de réagir utilement puisque personne n'était visé, etque, selon lui, les faits n'étaient pas susceptibles de faire présumer un harcèlement moral.

La Cour de Cassation, par un arrêt du 7 février 2012, souligne que la mauvaise foi "ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce".

La charge de la preuve de cette mauvaise foi revient bien évidemment à l'employeur.

Des accidents du travail sous-déclarés dans le BTP

Le 13 juin 2012 sur France Inter, un court reportage sur une entreprise de BTP qui, pour des raisons d'image, annonce avoir une politique du "zéro accident". 

Bien évidemment, et maheureusement, la réalité est toute autre dans cette entreprise.

Les dossiers que je traite montrent qu'il existe depuis plusieurs années un réel mouvement pour ne plus déclarer les accidents dont les salariés sont victimes, dans le BTP ou ailleurs.

Pour écouter ce reportage, cliquez ICI

La faute inexcusable de l'employeur : pour mieux comprendre les droits des victimes

Qu'est-ce qu'une faute inexcusable de l'employeur ?

Sa définition a été fixée par la Cour de Cassation :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'uneobligation de sécurité de résultat.

Le manquement à cette obligation a le caractère de faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Quelques exemples de faute inexcusable traitées par notre cabinet :

- la chute d'un salarié du haut d'un échafaudage présentant des défauts de sécurité (garde-corps non continu, et vide entre son plancher et la façade de l'immeuble) ;

- l'arrachage d'un doigt dû à une fraiseuse dont la lame mobile n'était pas sécurisée.

- la hernie discale résultant du fait de devoir manipuler sans aide ni matériel des pièces métalliques lourdes de 50kg ;

- la chute du salarié d'un garage automobile en glissant dans l'eau savonneuse occasionnée par le lavage d'un véhicule dans un endroit non aménagé à cet effet.


Comment lancer cette procédure ?

Il suffit d'adresser une lettre recommandée avec accusé de réception à la caisse de sécurité sociale dont vous dépendez, en indiquant que vous soulevez la faute inexcusable de l'employeur.

Après une tentative infructueuse de conciliation, la caisse vous invitera à saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. 

Devant ce Tribunal, votre employeur sera représenté par un avocat spécialisé. Il est fortement recommandé de ne pas se défendre seul.

Important : Le délai pour lancer cette action est très court :deux ans à compter du jour de l'accident, ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.


Comment la victime est-elle indemnisée ?

1/ Votre rente versée par la CPAM sera majorée.

Si par exemple votre taux d'incapacité a été fixé à 20%, vous recevez actuellement 10% de votre salaire de référence.

Une fois la faute inexcusable de l'employeur reconnue, votre rente sera majorée à son taux maximum : vous recevrez donc 20 % de votre salaire de référence, et ce depuis la date de votre consolidation (un arrérage est alors versé par la Sécurité Sociale).

2/ Vous recevrez des dommages et intérêts :

La Loi (article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale) prévoit l'indemnisation :

- des souffrances physiques et morales
- du préjudice esthétique
- du préjudice d'agrément
- de la perte de chance de promotion professionnelle

Vient s'y ajouter :

- le préjudice de perte d'emploi, en cas de licenciement pour inaptitude (à demander devant le Conseil de Prud'hommes).

Le 18 juin 2010, le Conseil Constitutionnel a rendu une décision élargissant les possibilités d'indemnisation des victimes. Sont désormais indemnisés, en plus des postes de préjudice listés ci-dessus :

- les frais d'aménagement du logement et d'un véhicule adapté en raison du handicap
- le déficit fonctionnel temporaire 
- le préjudice sexuel


Important : C'est la sécurité sociale qui verse à la victime les dommages et intérêts qui lui sont dus. Ainsi, elle sera indemnisée même en cas de liquidation judiciaire de son employeur.


Et si j'ai moi-même commis une faute ?

Si le salarié a commis une faute, cela ne fait pas obstacle à son indemnisation : peu importe que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident, il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire.

Autrement dit, du moment que l'employeur est fautif, seule une faute inexcusable du salarié pourrait priver ce dernier de toute indemnisation. Ce sont des cas relativement rares : tentative de suicide, prise de risque volontaire et assumée malgré les instructions claires de son employeur...