jeudi 21 août 2014

Inaptitude : la recherche de reclassement doit être faite par l’employeur, quelle que soit la taille de l’entreprise

Si, la la suite d’une visite de reprise, Le médecin du travail conclut à l’inaptitude du salarié à son poste précédent, l’employeur a l’obligation de rechercher un poste en reclassement aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, « au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.  » (article L.1226-2 ou L.1226-10 du Code du Travail, selon que l'inaptitude a ou non une origine professionnelle).

L’employeur doit être en mesure de prouver qu'il a bien effectué cette recherche.

Il ne peut tenir pour acquis qu'un reclassement est impossible avant d’avoir fait un minimum de démarches.

Dès lors, la petite taille de l’entreprise ne justifie pas que l'employeur s'abstienne de toute recherche.

S'agissant d'une société occupant 13 salariés, la Cour de Cassation a retenu que « la petite taille de la société ne suffisait pas à justifier de l’impossibilité d’un reclassement ».



Cette décision, rendue en matière de licenciements économiques, est tout à fait transposable en matière de licenciement pour inaptitude.

Inaptitude : la charge de la preuve d’une impossibilité de reclassement repose exclusivement sur l’employeur

Une employée libre-service à temps partiel de la société LIDL, victime d’un accident du travail, est déclarée inapte à son poste. Elle est ensuite licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La Cour d’Appel de Versailles avait considéré que la recherche de reclassement de l’employeur était satisfaisante, la salariée ne démontrant pas que LIDL fait partie d’un groupe européen, et ayant de toutes façons refusé une mobilité à l’intérieur du territoire national.

Cette décision est cassée par la Cour de Cassation, par un arrêt du 2 juillet 2014, aux motifs suivants :

Qu'en statuant ainsi, alors que, peu important la position de la salariée, il appartient à l'employeur de justifier de l'impossibilité de reclassement, le cas échéant au sein d'entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel, qui, inversant la charge de la preuve, n'a pas caractérisé l'absence d'un tel groupe, dont l'existence était invoquée par cette salariée, a violé les textes susvisés".



Rappelons que si, la la suite d’une visite de reprise, l’inaptitude du salarié à son poste de travail a été constatée par le médecin du travail, l’employeur a l’obligation de rechercher un poste en reclassement (article L.1226-2 ou L.1226-10 du Code du Travail, selon que l'inaptitude a ou non une origine professionnelle).

En toute hypothèse, l'employeur a l'obligation de rechercher un emploi aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, « au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.  »

Selon une jurisprudence classique, cette recherche doit être effectuée non seulement aux sein de l’entreprise, mais aussi au sein du groupe auquel elle appartient.

Deux exemples parmi d’autres :


En rappelant avec fermeté que la charge de la preuve de l’effectivité de la recherche de reclassement incombe à l’employeur, et à lui seul, cet arrêt du 2 juillet 2014 présente un double intérêt.

D’une part, il souligne que l’employeur ne peut réduire le champ de la recherche d'un poste de reclassement en fonction de l’opinion exprimée par le salarié (ou de la façon dont il interprète cette opinion).

De la même façon, la Cour de Cassation a jugé que le refus par le salarié d'un poste de reclassement n'implique pas à lui seul le respect par l’employeur de son obligation.


D’autre part, la Cour de Cassation insiste sur le fait qu'il appartient à l’employeur de démontrer que son entreprise ne fait pas partie d’un groupe, comme cela était allégué par la salariée.

Ce n’était donc pas à la salariée de rapporter la preuve de l’existence d’un groupe d’envergure européenne.

Ainsi, la Cour de Cassation souligne, une nouvelle fois, que la recherche de reclassement est une obligation de l’employeur, et uniquement de celui-ci.


C’est en effet au débiteur d’une obligation de prouver qu’il l’a bien exécutée.

jeudi 8 mai 2014

Faire reconnaître un traumatisme psychologique comme accident du travail

Un traumatisme psychologique, un choc psychologique, ou dépression nerveuse soudaine peuvent être reconnues comme accident du travail.

 Rappelons qu'aux termes de l'article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

Par un arrêt du 2 avril 2003, la Cour de Cassation est venue préciser la notion d'accident du travail :

« Vu l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ; Attendu qu'il résulte du texte susvisé que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci » (Cass. Soc. 2 avril 2003, pourvoi n°00-21768).

Cette lésion corporelle doit s'entendre au sens large, c'est à dire incluant une douleur, un simple malaise, ou une atteinte psychique. 

 Ainsi, le fait qu'un traumatisme soit uniquement psychologique n'est pas du tout un obstacle à sa prise en charge par la Sécurité Sociale au titre de la législation professionnelle.

Comme pour tout accident du travail, il suffit qu'il existe :

- un événement soudain,
- une lésion médicalement constatée,
- un lien de causalité entre les deux.

Malheureusement, les caisses de Sécurité Sociale sont souvent réticentes à reconnaître ce type d'accident, et concluent en général à l' « absence de fait accidentel ». Rappelons que leurs décisions peuvent tout à fait être contestées devant une commission de recours amiable, puis devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. 

Ne parlons pas des employeurs, dont certains d'entre eux s'acharneront à répéter qu'il ne s'est « rien passé de spécial » au moment où la victime estime avoir eu un malaise, ou reçu un choc émotionnel. Il arrive également que ce type d'accident ne donne même pas lieu à déclaration d'accident du travail (alors que l'employeur a l'obligation de déclarer tout accident du travail dont il a connaissance : article L.441-2 du Code de la Sécurité Sociale).


1/ Traumatisme psychologique subi à l'occasion du travail 

Si le traumatisme psychologique est survenu au temps et au lieu du travail, la victime peut bénéficier de la présomption d'imputabilité.

 Cette présomption résulte directement de l'article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale (précité) : pour qu'un accident du travail soit reconnu, il suffit qu'il soit survenu sur le lieu de travail et durant l'horaire de travail, et que la sécurité sociale ne puisse pas démontrer que cet événement a une cause entièrement étrangère au travail.

A titre d'exemple :

- Dans les minutes qui ont suivi une violente altercation avec son employeur, une secrétaire présente un grave choc émotionnel, se traduisant par une crise de larmes, des maux de tête et un évanouissement.

Notre cabinet a obtenu que, par jugement du 19 septembre 2013, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris, considère cet événement comme un accident du travail, lié à la pression subie à son poste, dans un contexte de « burn out ».

Pour demander ce jugement

- Une salariée ouvre sur son lieu de travail une lettre recommandée envoyée par son employeur, dans laquelle on lui annonce que va être engagée à son encontre une procédure de licenciement. Devant ses collègues, elle s'effondre en pleurs, et développe par la suite un grave syndrome dépressif.

Nous avons pu obtenir du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris que, par jugement du 31 octobre 2012, il reconnaisse cet accident du travail.

Pour demander ce jugement

- De même, par un arrêt du 13 mai 2008, la Cour d'Appel de Grenoble a jugé que constitue un fait accidentel au sens de l'article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale le cas d'une personne ayant développé un syndrome anxio-dépressif et un tableau de surmenage psychologique en lien avec l'activité professionnelle, et qu'on a trouvée sur son lieu de travail en état de choc, en grand stress, en pleurs et tremblante. (Cour d'appel de Grenoble, arrêt du 13 mai 2008, RG n° 07/02934).


Dans ces décisions, il est important de noter qu'un accident du travail peut être reconnu alors même que la victime peut avoir depuis un certain temps été fragilisée par un harcèlement moral, un surmenage professionnel, ou un  « burn out ».

 La condition la plus importante est qu'il soit mis en évidence un événement soudain, pouvant être daté, qui serait en quelque sorte « la goutte d'eau qui fait déborder le vase ».

L'argument des caisses de Sécurité Sociale selon lequel ne peuvent être des accidents une dépression, qui s'installe nécessairement dans le temps, ou un harcèlement moral, qui ne résulte pas d'un fait unique, mais d'une série d'événements, n'est donc pas retenu par les tribunaux. 

Un seul événement traumatique peut suffire à caractériser un accident du travail, peu important le contexte précédent.


2/ Lorsque la présomption d'imputabilité ne peut pas jouer

Lorsque l'accident ne s'est pas produit sur le lieu de travail, ou au temps du travail, il appartient à la victime de démontrer malgré tout l'existence d'une lésion soudaine, et d'apporter la preuve d'un lien de causalité avec le travail.

 Malheureusement, cette preuve est alors très difficile à apporter, dès lors que la caisse de Sécurité Sociale, et l'employeur, insisteront sur le fait d'un choc émotionnel survenu hors du lieu de travail peut fort bien trouver sa cause dans la vie personnelle du salarié. 

Ce n'est pour autant pas impossible.

 Par un arrêt du 1er juillet 2003, la Cour de Cassation a reconnu, après expertise médicale, l'accident du travail d'un salarié ayant développé une dépression nerveuse deux jours après avoir été avisé par son supérieur hiérarchique, au cours d'un entretien d'évaluation, qu'il ne donnait pas satisfaction, et qu'il était rétrogradé (Cass. Soc. 1er juillet 2003, pourvoi n° 02-30576).


3/ En revanche, l'absence d'événement soudain entraîne systématiquement le rejet de la demande

Un accident du travail est un événement soudain, qui peut être daté.

Si le salarié ne peut rapporter la preuve d'un tel événement, il ne pourra jamais voir reconnaître cet accident.

Par exemple, un salarié se disant victime de harcèlement moral, mais qui n'a pu établir l'existence d'une brutale altération des facultés mentales, a vu sa demande de reconnaissance d'un accident du travail rejetée (Cass. Civ. 2ème, 24 mai 2005, pourvoi n°03-30480).

mercredi 9 avril 2014

Un point complet sur la notion de faute inexcusable de l'employeur

I - Définition actuelle de la faute inexcusable de l'employeur

Ce que doit établir la victime :

Le régime de la faute inexcusable de l'employeur est fixé par les articles L452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale.

Sa définition actuelle résulte d'arrêts rendus le du 28 février 2002 en matière de maladie professionnelle dues à l'amiante (notamment n°00-10.051, 99-21.555, 99-17.201, et 99-17.221) : 

« En vertu du contrat de travail, l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par l’intéressé du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise. Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. » 

Par la suite, cette jurisprudence a été étendue aux accidents du travail.

Pour que la faute inexcusable de l'employeur soit reconnue par les juridictions de sécurité sociale, il appartient à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle de démontrer :

- que son employeur avait, ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel il était exposé ;

- qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Une fois cette preuve apportée, la responsabilité de l'employeur est établie, ce dernier étant tenu, en exécution du contrat de travail, d'une obligation de sécurité de résultat.

La connaissance du danger par l'employeur peut notamment résulter de la violation des règles de sécurité mises à sa charge par le Code du Travail, mais aussi du signalement qui lui aura été fait préalablement à l'accident par la victime elle-même, ou un membre du comité hygiène, sécurité et conditions de travail (art. L. 4131-4 du Code du Travail).

Incidence de la faute de la victime :

Par un arrêt du 24 juin 2005, l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation a confirmé sa définition de la faute inexcusable, en ajoutant : 

« Qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes ont concouru au dommage. ».

Dans ces conditions, il importe peu que plusieurs fautes (celle de la victime, mais aussi celle d'un tiers) aient concouru au dommage : la faute inexcusable de l'employeur est reconnue dès lors que sa faute a été une cause nécessaire de l'accident ou de la maladie. 

Autrement dit, il suffit que la faute de l'employeur ait contribué à la réalisation du risque, même sans en être la cause prépondérante, pour que sa responsabilité est encourue.

Seule la faute inexcusable du salarié peut exonérer l'employeur de sa responsabilité. Elle est définie par un arrêt du 27 janvier 2004 comme « la faute volontaire du salarié, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ».


II - La procédure visant à reconnaître la faute inexcusable de l'employeur

La caisse de sécurité sociale dont dépend la victime est saisie par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il est important de noter que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est soumise à la prescription de deux ans prévu à l’article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale.

Ce délai commence à courir à compter :

- pour les accidents du travail, du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;

- pour les maladies professionnelles, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute ;

étant précisé que ce délai est interrompu par l'exercice de l'action pénale ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

Après une tentative infructueuse de conciliation, la caisse invite la victime à saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale compétent. 


III – Indemnisation complémentaire de la victime

Lorsque la faute inexcusable de l'employeur est reconnue la victime obtient, outre les prestations auxquelles elle avait déjà droit en application du Code de la Sécurité Sociale, une indemnisation complémentaire.

La majoration de rente ou de capital :

L'article L.452-2 du Code de la Sécurité Sociale prévoit que la rente, ou le capital, payé(e) à la victime seront majorés.

Cette mesure est d'autant plus favorable à la victime que son taux d'incapacité fixé par la sécurité sociale est élevé.

La majoration est payée à compter de la date de consolidation, ce qui donne parfois lieu au paiement d'arrérages.

Les postes de préjudice listés par le Code de la Sécurité Sociale :

L'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale prévoit l'indemnisation :

- des souffrances physiques et morales
- du préjudice esthétique
- du préjudice d'agrément
- de la perte de chance de promotion professionnelle

Les postes de préjudice supplémentaires :

Suite à une question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, le Conseil Constitutionnel a rendu le 18 juin 2010 une décision n°2010-8, aux termes de laquelle il a formulé une réserve d’interprétation concernant l’article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale :

« 18. Considérant, en outre, qu'indépendamment de cette majoration, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l'employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ».

Dans le communiqué de presse accompagnant cette décision, le Conseil Constitutionnel précisait qu'il appartiendrait aux juridictions de sécurité sociale de vérifier au cas par cas si les préjudices subis par une victime sont ainsi réparés.

La question du périmètre des « dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale » pouvant donner lieu à indemnisation en plus des postes de préjudice défini par l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale a, dans les années qui suivirent, donné lieu à un débat juridiques, et à de nombreuses décisions au fond contradictoires.

Au terme d'une jurisprudence considérée par les défenseurs des victimes d'accidents comme extrêmement restrictive, la Cour de Cassation a pour l'instant choisi de considérer qu'un dommage donnant lieu à une prestation payée au titre du livre IV du Code de la Sécurité Sociale, même pour un montant minime, doit être considéré comme « couvert » et ne pouvant donner lieu à indemnisation complémentaire.

Ainsi, outre ceux cités par l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale, La Cour de Cassation a, à ce jour, estimé que seuls peuvent donner lieu à indemnisation les postes de préjudice suivants :

- les frais d'aménagement du logement et d'un véhicule adapté en raison du handicap (Cass. Civ 2ème, 30 juin 2011, pourvoi n°10-19475) ;

- le préjudice sexuel, qui comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, et doit désormais être apprécié distinctement du préjudice d'agrément (Cass. Civ 2ème, 4 avril 2012, pourvois n°11-14311 et 11-14594) ;

- le déficit fonctionnel temporaire qui inclut, pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique (Cass. Civ 2ème, 4 avril 2012, pourvois n°11-14311 et 11-14594) ;

- la tierce personne avant consolidation : assistance d'une tierce personne pendant la maladie traumatique (Cass. Civ 2ème, 20 juin 2013, pourvoi n°12-21.548)


Il est à noter que c'est à la sécurité sociale qu'il revient de faire l'avance des indemnités allouées à la victime.

Cette dernière n'a donc pas à craindre les conséquences d'une liquidation judiciaire de son employeur ou les frais et délais inhérents à l'exécution forcée d'une décision de justice.

La réparation de la perte de l'emploi :

Par un arrêt de principe en date du 17 mai 2006, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a jugé que lorsqu’un salarié a été licencié en raison d’une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle qui a été jugée imputable à une faute inexcusable de l’employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de l’emploi due à cette faute de l’employeur.

Cette indemnité est appréciée souverainement par la juridiction prud'homale, qui est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif au licenciement.

La Cour de Cassation ajoutait, le 26 janvier 2011, que cette indemnisation « ne fait pas obstacle à la réparation spécifique afférente à l'accident du travail ayant pour origine la faute inexcusable de l'employeur par la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale qui n'a pas le même objet ».


Ainsi, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur, lorsqu'elle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude physique, ce qui correspond malheureusement à la majorité des cas, va devoir, pour parvenir à la meilleure indemnisation possible de son préjudice, cumuler une procédure devant les juridictions de sécurité sociale avec une procédure prud'homale.

jeudi 3 avril 2014

Absence de visite de reprise devant le médecin du travail : l'employeur sanctionné

Par un arrêt du 6 octobre 2010, la Cour de Cassation vient de juger que lorsqu'un salarié reprend son travail sans bénéficier d'une visite de reprise auprès du médecin du travail dans les huit jours, l'employeur commet un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail.

L'employeur est alors condamné à lui payer les indemnités de rupture (indemnité de licenciement, de préavis et de congés payés), outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rappelons que les articles R.4624-21 et R.4624-2 du Code du Travail prévoient que l'employeur doit organiser, dans les huit jours de la reprise du travail une visite médicale auprès du médecin du travail :

- Après un congé de maternité ;
- Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

- Après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ;
- Après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ;
- En cas d'absences répétées pour raisons de santé.

Ce examen a pour but d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi , et éventuellement la nécessité d'une adaptation de ses conditions de travail.

Il arrive que l'employeur impose à son salarié de reprendre ses fonctions sans se préoccuper de son état de santé.

Par cette décision, la Cour de Cassation sanctionne désormais cette passivité fautive de l'employeur.

Indemnisation d'un tétraplégique au titre de la faute inexcusable de l'employeur

Alors qu'il travaille sur le chantier de réfection d'une toiture, un jeune couvreur de 23 ans, perd l 'équilibre, et chute d'une hauteur de 6 mètres de haut sur un sol en béton.

Ayant miraculeusement survécu, il souffre une tétraplégie Asia, avec spasticité des mains, flexion permanente des doigts, et des deux coudes. La CPAM a fixé son taux d'incapacité à 100 %.

L'enquête menée par l'Inspection du Travail et la Police a montré que échafaudage édifié par l'employeur était un « ensemble hétéroclite », dont le garde-corps laissait un espace suffisant au passage d'un individu !

Qui plus est, il existait un vide important entre le plancher de échafaudage et la façade de l'immeuble.

La culpabilité du gérant de l'entreprise a été reconnue par le Tribunal Correctionnel de CRETEIL.

Par jugement du 7 juillet 2010, le Tribunal des Affaires de sécurité Sociale de BOBIGNY a reconnu que la faute inexcusable de l'employeur était à l'origine de cet accident du travail gravissime.

Il a fixé à 295.000 euros la somme revenu à la victime à titre de dommages et intérêts, soit :

- 120.000 euros en réparation des souffrances endurées ;

- 50.000 euros pour le préjudice esthétique ;

- 130.000 euros pour le préjudice d'agrément.


Il a néanmoins été fait appel de ce jugement, pour permettre à mon client de bénéficier des nouvelles possibilité ouvertes aux victimes, suite à la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010.

Cette victime peut ainsi espérer obtenir, l'indemnisation d'un préjudice professionnel majeur, mais aussi, notamment, le remboursement des frais liés à la nécessité d'une aide médicale à domicile, à l'adaptation de son logement et d'un véhicule automobile à son handicap, et du matériel médical.

Arrêt de travail désorganisant l'entreprise et nécessitant le licenciement : le cas du gardien d'immeuble

Lorsqu'un gardien d'immeuble ou un concierge est en arrêt de travail de façon prolongée, son employeur est souvent tenté de le licencier, au motif que cette absence désorganise l'entreprise, et nécessite son remplacement définitif.

L'employeur a la charge de la preuve de la désorganisation objective de l'entreprise, et doit être appréciée eu égard à l'emploi et la qualification du salarié absent, à la taille de l'entreprise, et au volume de son activité.


Un gardien d'immeuble est violemment agressé par deux individus qu'il tente d'empêcher de forcer l'une des grilles d'accès au parking de l'immeuble.

Malgré l'opposition farouche de l'employeur, cette agression est reconnue comme accident du travail.

5 mois plus tard, ce gardien d'immeuble est licencié au cours de son arrêt de travail, au motif que son absence désorganiserait gravement l'office HLM dont il est salarié.

Dans la lettre de licenciement, l'employeur motivait sa décision en indiquant, notamment, qu'il était dans l'incertitude totale de la date de reprise effective du salarié, qui occupait toujours son logement de fonction de sorte qu'il n'avait pu être efficacement remplacé.

Par arrêt du 16 novembre 2010, le pôle 6, chambre 10 de la Cour d'Appel de PARIS a jugé que ce licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, au motif que :

- ni le contrat de travail de l'intéressé ni le contrat de travail de son remplaçant ne prévoyaient d'obligation de résider sur place ;

- son contrat de travail ne prévoyait pas de tâches ou obligations en dehors des heures de travail mentionnées au contrat soit de 8 h à 12 h et de 14 h à 18 h ; 

- le logement de fonction dont disposait le salarié constituait un avantage en nature ; 


Dans ce contexte, la Cour d'Appel de PARIS a conclu que l'occupation d'un logement de fonction ne pouvait avoir une quelconque incidence, sur l'organisation de l'entreprise.

Dans ce type de dossier, il importe donc d'être vigilant, et de ne pas tenir pour acquis qu'un gardien d'immeuble doit nécessairement loger sur son lieu de travail.