vendredi 28 juin 2019

Un malaise cardiaque sur le lieu de travail est un accident du travail

Aux termes de l'article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

Ce texte introduit une présomption d'imputabilité :Il suffit qu'un événement, causant une lésion médicalement constatée survienne aux temps et lieu du travail pour qu'il puisse être qualifié d'accident du travail.

S'il est en désaccord, c'est à l'organisme de sécurité sociale d'apporter la preuve que cet événement n'a aucun lien avec le travail.

En l'espèce, après être arrivé sur son lieu de travail et avoir pointé, un salarié ressent des douleurs au ventre se dirige vers la salle de repos de l'entreprise pour prendre des cachets. Il est alors victime d'un infarctus, dont il finira par décéder.

La CPAM faisait valoir qu'il s'agissait plutôt d'un accident de trajet, à partir du moment où la victime n'avait pas encore pris son poste, et avait ressenti les premiers symptômes du malaise cardiaque antérieurement à son arrivée au sein de l’entreprise.

Par un arrêt du 19 mai 2019, la Cour de Cassation écarte ces arguments : la lésion requise pour qualifier l’accident est bien le malais cardiaque, et non ses symptômes avant-coureurs. L'infarctus s’est produit aux temps et lieu du travail : c’est un accident du travail.



mercredi 23 janvier 2019

Un suicide reconnu en accident du travail

Par un arrêt du 18 janvier 2019, la Cour d'Appel de PARIS a reconnu, après un long combat procédural, que le suicide de l'épouse de notre client était un accident du travail, même s'il ne s'est pas produit sur le lieu de travail. Il est arrivé par le fait du travail.


Cliquer sur l'image pour télécharger la décision :


Les causes d'un suicide sont difficiles à analyser. Un tel geste est-il dû à un événement soudain ? Jusqu’où remontent ses ramifications? A-t-il une seule cause ou plusieurs entremêlées ?

Ces questions, incroyablement douloureuses pour les proches de la victime, deviennent encore plus complexes lorsque se pose la question de savoir si ce suicide remplit les conditions pour être reconnu comme accident du travail.

Selon l'article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

S'agissant d'un salarié ayant tenté de mettre fin à ses jours à son domicile, la Cour de Cassation a jugé « qu'un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail » (Cass. Civ. 2ème, 22 février 2007, pourvoi n°05-13771).

Il n’est donc pas nécessaire d’identifier avec certitude toutes les causes d'un acte aussi personnel qu'un suicide.

Le seul critère posé par la Cour de Cassation est celui d'un événement survenu « par le fait du travail », en lien direct et certain avec le travail, nonobstant d'autres causes éventuelles.

Dans ce dossier, nous sommes parvenus à établir, avec l'aide de l'Inspection du Travail, que la victime

  • avait été recrutée sur un poste sensible, ayant une importance vitale pour l'employeur (renouveler une accréditation indispensable à son activité économique)
  • qu'elle n'avait ni expérience ni formation sur le sujet qui lui était confié, qui l'a rapidement dépassé
  • que pour être à la hauteur, elle s’est fortement engagée dans le travail, travaillant la nuit et le week-end
  • qu'elle avait une peur panique de décevoir son employeur, et fondait en larmes à son poste de travail au moins une fois par semaine
  • que son supérieur hiérarchique avait à son égard un comportement grossier, et lui avait brutalement supprimé des congés payés négociés plusieurs mois plus tôt
  • que son employeur avait « oublié » de l'inviter à une fête de l'entreprise.

Retenant ces éléments, la Cour d'Appel de PARIS a jugé que « la cause du décès de Mme X. est imputable à son travail, son suicide de revêtant pas un caractère volontaire puisant son origine dans des difficultés privées et personnelles. »

Pour le travail de préparation de ce dossier, nous nous sommes notamment appuyé sur :

Les études de l'INRS intitulées « Suicide en lien avec le travail » et « Le stress au travail », qui soulignent notamment :

« D'après l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (...), un état de stress « survient lorsqu'il y a un déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face ».



L'identification d'un problème de stress au travail peut passer par une analyse de facteurs tels que l'organisation et les processus de travail (aménagement du temps de travail, degré d'autonomie, adéquation du travail aux capacités des travailleurs, charge de travail, etc.), les conditions et l'environnement de travail (exposition un comportement abusif, au bruit, à la chaleur, à des substances dangereuses, etc.), la communication (incertitude quand à ce qui est attendu au travail, perspectives d'emploi, changements à venir, etc.) et des facteurs subjectifs (pressions émotionnelles et sociales, impression de ne pas pouvoir faire face à la situation, perception d'un manque de soutien, etc.).


Enfin, une très intéressante décision de jurisprudence de la Cour d'Appel de DOUAI, s'agissant d'un salarié « fragilisé » par un précédent licenciement, et qui s'est suicidé après avoir été embauché par un nouvel employeur. Il a été jugé que son décès n'en est pas moins directement lié aux conditions d'exercice de son activité professionnelle dans les semaines précédentes (Cour d’Appel de DOUAI, 31 janvier 2013, RG n°11/00443).