La
Cour de Cassation poursuit son travail de précision sur les
modalités d'indemnisation des victimes d'une faute inexcusable de
l'employeur, au travers de trois décisions récentes :
1/
La rechute de l'accident du travail initial doit faire l'objet d'une
indemnisation
La
Cour d'Appel de Paris avait déclaré une victime irrecevable à
réclamer à la fois l'indemnisation du préjudice de l'accident du
travail initial et celui d'une rechute de cet accident.
Cela
était particulièrement dommageable puisque cette rechute
correspondait à une réelle aggravation des séquelles de
l'accident, mal évaluées initialement par les médecins.
Par
un arrêt
tout récent du 22 janvier 2015,
dont nous avons la fierté de dire qu'il s'agit d'un de nos dossiers,
la Cour de Cassation a jugé que :
«
qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, l'indemnisation
complémentaire à laquelle la victime a droit, s'étend aux
conséquences d'une rechute de l'accident du travail initial ».
2/
Les frais d'assistance par un médecin lors de l'expertise sont d'un
poste de préjudice à part entière
Lors
de l'expertise médicale, il est absolument indispensable pour une
victime d'être assistée par un médecin conseil spécialisé, qui
pourra défendre au mieux son dossier.
Jusqu'à
présent, ces frais d'assistance étaient globalisés par les
juridictions dans le remboursement alloué au titre de l'article 700
du code de procédure civile. Compte tenu des (souvent) faibles
montants alloués, la victime gardait de fait à sa charge une partie
de ces frais.
Par
un arrêt
du 18 décembre 2014, la Cour de Cassation a jugé que les frais
d'assistance par un médecin lors des opérations d'expertise, «
qui sont la conséquence directe de l'accident du travail, ne figure
pas parmi les chefs de préjudice expressément couvert par le livre
IV du code de la sécurité sociale, ce dont il résulte qu'ils
ouvrent droit à indemnisation complémentaire en raison de la faute
inexcusable de l'employeur ».
Comme
il y a lieu de le faire en droit commun, il est désormais de la
responsabilité des avocats spécialisés de former une demande
spécifique d'indemnisation pour ces frais, dont il y a tout lieu de
penser qu'ils seront dorénavant intégralement remboursés.
3/
La perte de droits à la retraite ne donne pas droit à indemnisation
Depuis
un arrêt du 17 mai 2006, la Cour de Cassation estime que «
lorsqu’un
salarié a été licencié en raison d’une inaptitude consécutive
à une maladie professionnelle qui a été jugée imputable à une
faute inexcusable de l’employeur, il a droit à une indemnité
réparant la perte de l’emploi due à cette faute de l’employeur ».
Elle
avait eu l'occasion de rappeler que dans ce cadre, le préjudice
spécifique résultant d'une perte sur les droits à la retraite,
consécutif au licenciement, doit être pris en compte (Cass. Soc. 26
octobre 2011, pourvoi n°10-20991).
Or,
par un arrêt
du 9 janvier 2015,
la chambre mixte de la Cour de Cassation, réunissant, la deuxième
chambre civile, la chambre sociale, et la chambre criminelle, a jugé
que :
« Mais
attendu que si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision
n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute
inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie
professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction
de sécurité sociale, la réparation de chefs de préjudice autres
que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition
que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du
code de la sécurité sociale ;
Et
attendu que la
perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement
du salarié pour inaptitude, est couverte, de manière forfaitaire,
par la rente majorée
qui présente un caractère viager et répare notamment les pertes de
gains professionnels et l'incidence professionnelle résultant de
l'incapacité permanente partielle subsistant au jour de la
consolidation ;
Que
la cour d'appel a donc décidé à bon droit que la perte subie par
M. X... se trouvait déjà indemnisée par application des
dispositions du livre IV, de sorte qu'elle ne pouvait donner lieu à
une réparation distincte sur le fondement de l'article L. 452-3 du
code de la sécurité sociale ; »
Il
semble malheureusement que cette jurisprudence marque un recul pour
l'indemnisation des victimes de la faute inexcusable de l'employeur.
À
ce jour, il semble donc que seul le licenciement pour inaptitude
résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle donne droit
à une indemnisation spécifique.
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