La Cour
d'Appel de Versailles a jugé qu'une élue du personnel avait été
victime de discrimination syndicale et harcèlement moral,
caractérisés par :
- deux tentatives de licenciement motivées par l'exercice de son mandat,
- reproches sur le dépassement d'horaires dû au débordement des audiences prud'homales auxquelles elle siégeait,
- mise en accusation devant les salariés lors des réunions des délégués du personnel,
- entrave à l'exercice des mandats de membres du CE et de déléguée syndicale notamment par le refus de convocation de la salariée ou de fixation de dates de réunion du CE lors de ses jours d'absence.
Cependant,
après ces constats, la Cour d'Appel a jugé, de façon choquante à
notre avis, qu'il y avait lieu de minorer l'indemnité revenant à la
victime, au motif qu'elle « a pu contribuer par son propre
comportement lors des réunions des représentants du personnel à la
dégradation des conditions de travail ».
L'arrêt
n'est pas explicite sur les perturbations auxquelles il fait
référence, et l'on reste perplexe quant au grief fait à la
salariée, alors même qu'une entrave à son mandat de représentant
du personnel a parallèlement été reconnue.
Quoi
qu'il en soit, la Cour de Cassation casse cet arrêt, au motif qu'il
viole l'article L. 4122-1 du code du travail.
Ce
dernier prévoit que :
« Conformément
aux instructions qui lui sont données par l'employeur (...) il
incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa
formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité
ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou
ses omissions au travail.
(...)
Les
dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe
de la responsabilité de l'employeur. »
Autrement
dit, si un salarié doit veiller à sa propose sécurité dans la
mesure de ses moyens, son employeur ne peut tirer argument du
comportement ou de la négligence de ce salarié pour minorer sa
propre responsabilité.
Cet
arrêt nous semble important.
En
effet, lorsqu'il est débattu d'un harcèlement moral, toutes les
réactions du salarié sont scrutées à l'excès et, pour peu qu'il
ait été un peu véhément ne essayant de se défendre, la tentation
existe, chez certains employeurs et juges, de le rendre partiellement
responsable des agressions qu'il a subies.
Un
salarié qui écrit de trop nombreux courriers de protestation,
s'énerve, marque son désintérêt pour son travail, porte des
accusations, se verra rapidement regardé comme un « excité »
qui a peut-être lui-même suscité les comportements dont il se
plaint.
La
Cour de Cassation nous permet de répondre à cet argument : le
débat doit être centré sur les agissements de l'employeur.