mercredi 9 avril 2014

Un point complet sur la notion de faute inexcusable de l'employeur

I - Définition actuelle de la faute inexcusable de l'employeur

Ce que doit établir la victime :

Le régime de la faute inexcusable de l'employeur est fixé par les articles L452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale.

Sa définition actuelle résulte d'arrêts rendus le du 28 février 2002 en matière de maladie professionnelle dues à l'amiante (notamment n°00-10.051, 99-21.555, 99-17.201, et 99-17.221) : 

« En vertu du contrat de travail, l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par l’intéressé du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise. Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. » 

Par la suite, cette jurisprudence a été étendue aux accidents du travail.

Pour que la faute inexcusable de l'employeur soit reconnue par les juridictions de sécurité sociale, il appartient à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle de démontrer :

- que son employeur avait, ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel il était exposé ;

- qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Une fois cette preuve apportée, la responsabilité de l'employeur est établie, ce dernier étant tenu, en exécution du contrat de travail, d'une obligation de sécurité de résultat.

La connaissance du danger par l'employeur peut notamment résulter de la violation des règles de sécurité mises à sa charge par le Code du Travail, mais aussi du signalement qui lui aura été fait préalablement à l'accident par la victime elle-même, ou un membre du comité hygiène, sécurité et conditions de travail (art. L. 4131-4 du Code du Travail).

Incidence de la faute de la victime :

Par un arrêt du 24 juin 2005, l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation a confirmé sa définition de la faute inexcusable, en ajoutant : 

« Qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes ont concouru au dommage. ».

Dans ces conditions, il importe peu que plusieurs fautes (celle de la victime, mais aussi celle d'un tiers) aient concouru au dommage : la faute inexcusable de l'employeur est reconnue dès lors que sa faute a été une cause nécessaire de l'accident ou de la maladie. 

Autrement dit, il suffit que la faute de l'employeur ait contribué à la réalisation du risque, même sans en être la cause prépondérante, pour que sa responsabilité est encourue.

Seule la faute inexcusable du salarié peut exonérer l'employeur de sa responsabilité. Elle est définie par un arrêt du 27 janvier 2004 comme « la faute volontaire du salarié, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ».


II - La procédure visant à reconnaître la faute inexcusable de l'employeur

La caisse de sécurité sociale dont dépend la victime est saisie par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il est important de noter que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est soumise à la prescription de deux ans prévu à l’article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale.

Ce délai commence à courir à compter :

- pour les accidents du travail, du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;

- pour les maladies professionnelles, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute ;

étant précisé que ce délai est interrompu par l'exercice de l'action pénale ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

Après une tentative infructueuse de conciliation, la caisse invite la victime à saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale compétent. 


III – Indemnisation complémentaire de la victime

Lorsque la faute inexcusable de l'employeur est reconnue la victime obtient, outre les prestations auxquelles elle avait déjà droit en application du Code de la Sécurité Sociale, une indemnisation complémentaire.

La majoration de rente ou de capital :

L'article L.452-2 du Code de la Sécurité Sociale prévoit que la rente, ou le capital, payé(e) à la victime seront majorés.

Cette mesure est d'autant plus favorable à la victime que son taux d'incapacité fixé par la sécurité sociale est élevé.

La majoration est payée à compter de la date de consolidation, ce qui donne parfois lieu au paiement d'arrérages.

Les postes de préjudice listés par le Code de la Sécurité Sociale :

L'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale prévoit l'indemnisation :

- des souffrances physiques et morales
- du préjudice esthétique
- du préjudice d'agrément
- de la perte de chance de promotion professionnelle

Les postes de préjudice supplémentaires :

Suite à une question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, le Conseil Constitutionnel a rendu le 18 juin 2010 une décision n°2010-8, aux termes de laquelle il a formulé une réserve d’interprétation concernant l’article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale :

« 18. Considérant, en outre, qu'indépendamment de cette majoration, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l'employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ».

Dans le communiqué de presse accompagnant cette décision, le Conseil Constitutionnel précisait qu'il appartiendrait aux juridictions de sécurité sociale de vérifier au cas par cas si les préjudices subis par une victime sont ainsi réparés.

La question du périmètre des « dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale » pouvant donner lieu à indemnisation en plus des postes de préjudice défini par l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale a, dans les années qui suivirent, donné lieu à un débat juridiques, et à de nombreuses décisions au fond contradictoires.

Au terme d'une jurisprudence considérée par les défenseurs des victimes d'accidents comme extrêmement restrictive, la Cour de Cassation a pour l'instant choisi de considérer qu'un dommage donnant lieu à une prestation payée au titre du livre IV du Code de la Sécurité Sociale, même pour un montant minime, doit être considéré comme « couvert » et ne pouvant donner lieu à indemnisation complémentaire.

Ainsi, outre ceux cités par l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale, La Cour de Cassation a, à ce jour, estimé que seuls peuvent donner lieu à indemnisation les postes de préjudice suivants :

- les frais d'aménagement du logement et d'un véhicule adapté en raison du handicap (Cass. Civ 2ème, 30 juin 2011, pourvoi n°10-19475) ;

- le préjudice sexuel, qui comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, et doit désormais être apprécié distinctement du préjudice d'agrément (Cass. Civ 2ème, 4 avril 2012, pourvois n°11-14311 et 11-14594) ;

- le déficit fonctionnel temporaire qui inclut, pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique (Cass. Civ 2ème, 4 avril 2012, pourvois n°11-14311 et 11-14594) ;

- la tierce personne avant consolidation : assistance d'une tierce personne pendant la maladie traumatique (Cass. Civ 2ème, 20 juin 2013, pourvoi n°12-21.548)


Il est à noter que c'est à la sécurité sociale qu'il revient de faire l'avance des indemnités allouées à la victime.

Cette dernière n'a donc pas à craindre les conséquences d'une liquidation judiciaire de son employeur ou les frais et délais inhérents à l'exécution forcée d'une décision de justice.

La réparation de la perte de l'emploi :

Par un arrêt de principe en date du 17 mai 2006, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a jugé que lorsqu’un salarié a été licencié en raison d’une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle qui a été jugée imputable à une faute inexcusable de l’employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de l’emploi due à cette faute de l’employeur.

Cette indemnité est appréciée souverainement par la juridiction prud'homale, qui est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif au licenciement.

La Cour de Cassation ajoutait, le 26 janvier 2011, que cette indemnisation « ne fait pas obstacle à la réparation spécifique afférente à l'accident du travail ayant pour origine la faute inexcusable de l'employeur par la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale qui n'a pas le même objet ».


Ainsi, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur, lorsqu'elle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude physique, ce qui correspond malheureusement à la majorité des cas, va devoir, pour parvenir à la meilleure indemnisation possible de son préjudice, cumuler une procédure devant les juridictions de sécurité sociale avec une procédure prud'homale.

jeudi 3 avril 2014

Absence de visite de reprise devant le médecin du travail : l'employeur sanctionné

Par un arrêt du 6 octobre 2010, la Cour de Cassation vient de juger que lorsqu'un salarié reprend son travail sans bénéficier d'une visite de reprise auprès du médecin du travail dans les huit jours, l'employeur commet un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail.

L'employeur est alors condamné à lui payer les indemnités de rupture (indemnité de licenciement, de préavis et de congés payés), outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rappelons que les articles R.4624-21 et R.4624-2 du Code du Travail prévoient que l'employeur doit organiser, dans les huit jours de la reprise du travail une visite médicale auprès du médecin du travail :

- Après un congé de maternité ;
- Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

- Après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ;
- Après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ;
- En cas d'absences répétées pour raisons de santé.

Ce examen a pour but d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi , et éventuellement la nécessité d'une adaptation de ses conditions de travail.

Il arrive que l'employeur impose à son salarié de reprendre ses fonctions sans se préoccuper de son état de santé.

Par cette décision, la Cour de Cassation sanctionne désormais cette passivité fautive de l'employeur.

Indemnisation d'un tétraplégique au titre de la faute inexcusable de l'employeur

Alors qu'il travaille sur le chantier de réfection d'une toiture, un jeune couvreur de 23 ans, perd l 'équilibre, et chute d'une hauteur de 6 mètres de haut sur un sol en béton.

Ayant miraculeusement survécu, il souffre une tétraplégie Asia, avec spasticité des mains, flexion permanente des doigts, et des deux coudes. La CPAM a fixé son taux d'incapacité à 100 %.

L'enquête menée par l'Inspection du Travail et la Police a montré que échafaudage édifié par l'employeur était un « ensemble hétéroclite », dont le garde-corps laissait un espace suffisant au passage d'un individu !

Qui plus est, il existait un vide important entre le plancher de échafaudage et la façade de l'immeuble.

La culpabilité du gérant de l'entreprise a été reconnue par le Tribunal Correctionnel de CRETEIL.

Par jugement du 7 juillet 2010, le Tribunal des Affaires de sécurité Sociale de BOBIGNY a reconnu que la faute inexcusable de l'employeur était à l'origine de cet accident du travail gravissime.

Il a fixé à 295.000 euros la somme revenu à la victime à titre de dommages et intérêts, soit :

- 120.000 euros en réparation des souffrances endurées ;

- 50.000 euros pour le préjudice esthétique ;

- 130.000 euros pour le préjudice d'agrément.


Il a néanmoins été fait appel de ce jugement, pour permettre à mon client de bénéficier des nouvelles possibilité ouvertes aux victimes, suite à la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010.

Cette victime peut ainsi espérer obtenir, l'indemnisation d'un préjudice professionnel majeur, mais aussi, notamment, le remboursement des frais liés à la nécessité d'une aide médicale à domicile, à l'adaptation de son logement et d'un véhicule automobile à son handicap, et du matériel médical.

Arrêt de travail désorganisant l'entreprise et nécessitant le licenciement : le cas du gardien d'immeuble

Lorsqu'un gardien d'immeuble ou un concierge est en arrêt de travail de façon prolongée, son employeur est souvent tenté de le licencier, au motif que cette absence désorganise l'entreprise, et nécessite son remplacement définitif.

L'employeur a la charge de la preuve de la désorganisation objective de l'entreprise, et doit être appréciée eu égard à l'emploi et la qualification du salarié absent, à la taille de l'entreprise, et au volume de son activité.


Un gardien d'immeuble est violemment agressé par deux individus qu'il tente d'empêcher de forcer l'une des grilles d'accès au parking de l'immeuble.

Malgré l'opposition farouche de l'employeur, cette agression est reconnue comme accident du travail.

5 mois plus tard, ce gardien d'immeuble est licencié au cours de son arrêt de travail, au motif que son absence désorganiserait gravement l'office HLM dont il est salarié.

Dans la lettre de licenciement, l'employeur motivait sa décision en indiquant, notamment, qu'il était dans l'incertitude totale de la date de reprise effective du salarié, qui occupait toujours son logement de fonction de sorte qu'il n'avait pu être efficacement remplacé.

Par arrêt du 16 novembre 2010, le pôle 6, chambre 10 de la Cour d'Appel de PARIS a jugé que ce licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, au motif que :

- ni le contrat de travail de l'intéressé ni le contrat de travail de son remplaçant ne prévoyaient d'obligation de résider sur place ;

- son contrat de travail ne prévoyait pas de tâches ou obligations en dehors des heures de travail mentionnées au contrat soit de 8 h à 12 h et de 14 h à 18 h ; 

- le logement de fonction dont disposait le salarié constituait un avantage en nature ; 


Dans ce contexte, la Cour d'Appel de PARIS a conclu que l'occupation d'un logement de fonction ne pouvait avoir une quelconque incidence, sur l'organisation de l'entreprise.

Dans ce type de dossier, il importe donc d'être vigilant, et de ne pas tenir pour acquis qu'un gardien d'immeuble doit nécessairement loger sur son lieu de travail.

Obligation de sécurité de l'employeur et prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié

Une salariée, victime d'un accident du travail, a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour, notamment, manquement par ce dernier à son obligation de sécurité.

La Cour d'Appel de Toulouse avait considéré que la charge de la preuve du fait que l'employeur n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs appartient à la victime.

Par arrêt du 12 janvier 2011, le Cour de Cassation a casssé cette décision, et jugé :

« qu'il appartient à l'employeur qui considère injustifiée la prise d'acte de la rupture par un salarié qui, étant victime d'un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat ».

C'est donc à l'employeur, débiteur d'une obligation de sécurité de résultat, que revient la charge de démontrer qu'il n'a commis aucun manquement à l'origine de l'accident du travail.

(Cass. soc., 12 janvier 2011, n°09-70838, Mme X c/ Sté Biscuiterie Vital)

Invalidité 2ème catégorie et inaptitude

Suite à un problème de santé, un salarié est classé en invalidité deuxième catégorie.

Il en informe son employeur, mais ne demande pas à reprendre le travail. De son coté, l'employeur ne lui propose aucun reclassement, et ne le licencie pas. S'en suit un statu quo, qui conduit le salarié à saisir le Conseil de Prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par un arrêt du 15 février 2011, la Cour de Cassation insiste sur le fait que c'est à l'employeur, s'il est informé de cette invalidité 2ème catégorie, de prendre l'initiative de faire procéder à une visite de reprise auprès du médecin du travail, laquelle met fin à la suspension du contrat.

Accident du travail ou accident de trajet ? Le cas particulier du salarié "en mission"

En droit de la sécurité sociale, l'accident de trajet est celui survenu au salarié pendant le trajet d'aller ou retour entre sa résidence habituelle et son lieu de travail, ou entre son lieu de travail et l'endroit où il prend habituellement ses repas.

Cela signifie-t-il que tous les accidents intervenus au cours d'un trajet sont automatiquement des accidents de trajet ? Absolument pas.

La Cour de Cassation considère en effet que le salarié effectuant une mission, a droit à la protection prévue à l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale (celle liée aux accidents du travail) pendant le temps de la mission qu'il accomplit pour son employeur, peu important que l'accident survienne à l'occasion d'un acte professionnel ou d'un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l'employeur ou la Caisse de rapporter la preuve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel.

Sont donc, par exemple, reconnus comme accidents du travail :


- L'accident de la route intervenu alors que l'intéressé allait participer à un jury constitué pour l'attribution d'un diplôme (Cour de Cassation, arrêt du 11 mars 2010, N° de pourvoi: 09-11560)


- La chute du salarié dans l'escalier mécanique d'une gare, alors qu'il retournait à son domicile à l'issue d'un stage de formation organisé par son employeur hors du lieu de travail habituel (Cour de Cassation, arrêt du du mardi 16 septembre 2003, N° de pourvoi: 02-30396)


- Un accident de la circulation arrivé à 2 heures du matin alors que le salarié venait de quitter son domicile pour parcourir 600 kilomètres afin d'être dès 9 heures sur le site où il devait effectuer une mission (Cour de Cassation, arrêt du 12 mai 2003, N° de pourvoi: 01-20968).

L'étendue de l'obligation de reclassement de l'employeur

A la suite d'un arrêt maladie, un commercial est déclaré définitivement inapte aux déplacements professionnels, le médecin du travail préconisant une mutation à un poste de type administratif sédentaire.

Son employeur lui propose de le reclasser à un poste d'assistant de chef de projet animation au siège social de la société, à Issy-les-Moulineaux.

Le salarié, qui réside à Sète (Hérault), refuse ce poste.

Il est donc licencié pour inaptitude et impossiblité de reclassement, l'employeur faisant notamment vaoir que tous les postes administratifs de la société sont situés au siège.

Par un arrêt du 25 mai 2011, la Cour de Cassation, dans la lignée de sa jurisprudence, vient de considérer que ce licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, au motif que l'employeur devait envisager un reclassement sur tous les sites du groupe auquel il appartient, peu important que le médecin du travail ait interdit au salarié tout déplacement professionnel.

Fonctionnaires : des dommages et intérêts en cas d'accident de service ou de maladie professionnelle

Le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle peut, si les séquelles sont malheureusement graves, bénéficier d'une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, et d'une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite.

En cas de faute de l'Administration, la victime peut bien évidemment demander aussi la réparation de son entier préjudice.

Mais on ignore encore trop que des dommages et intérêts peuvent être réclamés en l'absence de toute faute de l'administration.

Quelle que soit l'origine de l'accident ou de la maladie, la victime peut en effet obtenir une indemnité en réparation de son préjudice non patrimonial : 

- souffrances physiques ou morales,
- préjudice esthétique,
- préjudice d'agrément
- troubles dans les conditions d'existence.


Quelques exemples parmi tant d'autres :

Un fonctionnaire de la Poste victime d'un accident de la circulation survenu pendant le service.

Une aide soignante ayant été contaminée par une hépatite C (maladie professionnelle).

Un officier de l'armée de terre souffrant de douleurs et de sifflements auditifs persistants suite à des exercices de tirs.

Le décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l'organisation de la médecine du travail

Le décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l'organisation de la médecine du travail entre en vigueur le 1er juillet 2012.

Entre autres mesures, il est important de noter que le salarié bénéficie dorénavant d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel (alors qu'actuellement le délai est de 8 jours pour les accidents du travail et 21 jours pour les arrêts maladie). 

La visite de pré-reprise existe désormais officiellement. Une seule visite suffira pour déclarer le salarié inapte si, dans les 30 jours précédant cet examen, le médecin a déjà rencontré le salarié dans le cadre d'une visite de préreprise.

De plus, le délai pour contester devant l'inspecteur du travail un avis du médecin du travail est fixé à 2 mois. L'avis médical d'aptitude ou d'inaptitude doit mentionner les délais et voies de recours. Il n'y avait auparavant aucun délai particulier.

Force est de constater que ce décret va dans le sens d'un allègement des obligations des employeurs, et par là même d'une diminution de la protection de la santé des salariés.

Les congés payés acquis avant un arrêt de travail pour raisons médicales doivent être reportés après la date de la reprise

Lorsque le salarié s'est trouvé en arrêt de travail lié à un accident du travail ou une maladie professionnelle, il a pu être dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels.

La Cour de Cassation considère que les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail (arrêt du 27 septembre 2007).

Ils ne peuvent donc être considérés comme étant « perdus ». Un refus de l'employeur de prendre ces jours de congés cause un préjudice au salarié, qui peut donner lieu au paiement de dommages et intérêts.

Tel est également le cas lorsque le salarié est victime d'une rechute après avoir repris une première fois son travail, sans avoir eu le temps de prendre l'intégralité des congés payés déjà reportés.

Aux termes d'un arrêt du 16 février 2012, la Cour de Cassation considère que :

« eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ; que ceux-ci doivent être à nouveau reportés quand le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre l'intégralité des congés payés acquis en raison d'une rechute d'accident du travail »

Harcèlement moral et prétendue mauvaise foi du salarié : la Cour de Cassation recadre les choses

Le preuve du harcèlement moral est toujours difficile à rapporter pour le salarié qui en est victime : les témoins, les documents lui manquent trop souvent.

Que se passe-t-il lorsqu'une victime a la confiance, ou la témérité, de faire état à son employeur du harcèlement dont elle souffre ? Il s'agit en général d'un appel au secours.

L'article L.1152-2 du code du travail protège la parole de la victime et des témoins : "aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés".

La seule limite à cette protection est la mauvaise foi. Si le salarié a agi avec de mauvaises intentions, il peut légitimement être sanctionné ou licencié.

Certains employeurs ont décidé d'exploiter cet argument pour hausser le ton, et sanctionner le salarié qui a eu le courage de faire état du harcèlement. Selon eux, sa mauvaise foi résulterait du fait qu'il n'a pas la preuve formelle des agissements dont il souffre.

La Cour de Cassation vient de préciser ce qu'elle entendait par "mauvaise foi".

En l'espèce, une vendeuse avait pour seul tort d'avoir adressé à son employeur un certificat médical d'arrêt de travail faisant état d'un harcèlement moral. Ce dernier l'a mise en demeure de préciser exactement ce qu'elle reprochait, et à qui. Elle ne donnait pas suite à ce courrier, qu'on devine rédigé en des termes peu aimables.

L'employeur ne trouvait alors rien de mieux que de la licencier pour faute grave, au motif que la salariée l'avait placé dans l'impossibilité de réagir utilement puisque personne n'était visé, etque, selon lui, les faits n'étaient pas susceptibles de faire présumer un harcèlement moral.

La Cour de Cassation, par un arrêt du 7 février 2012, souligne que la mauvaise foi "ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce".

La charge de la preuve de cette mauvaise foi revient bien évidemment à l'employeur.

Des accidents du travail sous-déclarés dans le BTP

Le 13 juin 2012 sur France Inter, un court reportage sur une entreprise de BTP qui, pour des raisons d'image, annonce avoir une politique du "zéro accident". 

Bien évidemment, et maheureusement, la réalité est toute autre dans cette entreprise.

Les dossiers que je traite montrent qu'il existe depuis plusieurs années un réel mouvement pour ne plus déclarer les accidents dont les salariés sont victimes, dans le BTP ou ailleurs.

Pour écouter ce reportage, cliquez ICI

La faute inexcusable de l'employeur : pour mieux comprendre les droits des victimes

Qu'est-ce qu'une faute inexcusable de l'employeur ?

Sa définition a été fixée par la Cour de Cassation :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'uneobligation de sécurité de résultat.

Le manquement à cette obligation a le caractère de faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Quelques exemples de faute inexcusable traitées par notre cabinet :

- la chute d'un salarié du haut d'un échafaudage présentant des défauts de sécurité (garde-corps non continu, et vide entre son plancher et la façade de l'immeuble) ;

- l'arrachage d'un doigt dû à une fraiseuse dont la lame mobile n'était pas sécurisée.

- la hernie discale résultant du fait de devoir manipuler sans aide ni matériel des pièces métalliques lourdes de 50kg ;

- la chute du salarié d'un garage automobile en glissant dans l'eau savonneuse occasionnée par le lavage d'un véhicule dans un endroit non aménagé à cet effet.


Comment lancer cette procédure ?

Il suffit d'adresser une lettre recommandée avec accusé de réception à la caisse de sécurité sociale dont vous dépendez, en indiquant que vous soulevez la faute inexcusable de l'employeur.

Après une tentative infructueuse de conciliation, la caisse vous invitera à saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. 

Devant ce Tribunal, votre employeur sera représenté par un avocat spécialisé. Il est fortement recommandé de ne pas se défendre seul.

Important : Le délai pour lancer cette action est très court :deux ans à compter du jour de l'accident, ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.


Comment la victime est-elle indemnisée ?

1/ Votre rente versée par la CPAM sera majorée.

Si par exemple votre taux d'incapacité a été fixé à 20%, vous recevez actuellement 10% de votre salaire de référence.

Une fois la faute inexcusable de l'employeur reconnue, votre rente sera majorée à son taux maximum : vous recevrez donc 20 % de votre salaire de référence, et ce depuis la date de votre consolidation (un arrérage est alors versé par la Sécurité Sociale).

2/ Vous recevrez des dommages et intérêts :

La Loi (article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale) prévoit l'indemnisation :

- des souffrances physiques et morales
- du préjudice esthétique
- du préjudice d'agrément
- de la perte de chance de promotion professionnelle

Vient s'y ajouter :

- le préjudice de perte d'emploi, en cas de licenciement pour inaptitude (à demander devant le Conseil de Prud'hommes).

Le 18 juin 2010, le Conseil Constitutionnel a rendu une décision élargissant les possibilités d'indemnisation des victimes. Sont désormais indemnisés, en plus des postes de préjudice listés ci-dessus :

- les frais d'aménagement du logement et d'un véhicule adapté en raison du handicap
- le déficit fonctionnel temporaire 
- le préjudice sexuel


Important : C'est la sécurité sociale qui verse à la victime les dommages et intérêts qui lui sont dus. Ainsi, elle sera indemnisée même en cas de liquidation judiciaire de son employeur.


Et si j'ai moi-même commis une faute ?

Si le salarié a commis une faute, cela ne fait pas obstacle à son indemnisation : peu importe que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident, il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire.

Autrement dit, du moment que l'employeur est fautif, seule une faute inexcusable du salarié pourrait priver ce dernier de toute indemnisation. Ce sont des cas relativement rares : tentative de suicide, prise de risque volontaire et assumée malgré les instructions claires de son employeur...

Obligation de sécurité de résultat : l'employeur doit consulter le médecin du travail avant de muter un salarié

En vertu du contrat de travail, l'employeur a une obligation de sécurité de résultat. Le Cour de Cassation vient encore de le rappeler, en sanctionnant l'employeur pour ne pas avoir consulté le médecin du travail avant de changer un salarié de poste.

Un salarié est placé en arrêt maladie durant une semaine, à la suite de quoi le Médecin du Travail le déclare « apte sous réserve d'un suivi par le médecin traitant. Examen complémentaire prévu. »

Trois mois plus tard, son employeur le détache auprès d'une de ses filiales, sans prendre la précaution de consulter le médecin du travail sur son aptitude à ce nouveau poste.

Le salarié est de nouveau placé en arrêt de travail, au terme duquel il est licencié pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement.

La Cour d'Appel avait jugé que l'employeur aurait dû, avant de décider le détachement du salarié dans sa filiale, ce qui impliquait un changement de fonction et de lieu de travail, se rapprocher du médecin du travail pour savoir si un examen médical complémentaire avait été effectué, et solliciter son avis sur ce changement de poste, et qu'à défaut de l'avoir fait, il avait manqué à son obligation de sécurité de résultat.


"Attendu que pour décider du placement en position de détachement du salarié, l'employeur ne justifiait pas s'être rapproché du médecin du travail pour savoir si les recommandations faites par celui-ci concernant notamment l'examen médical complémentaire avaient été suivies et pour solliciter éventuellement son avis sur le changement de poste envisagé, la cour d'appel, en a exactement déduit que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité ».

L'obligation de sécurité de l'employeur est donc particulièrement impérieuse, et il doit prendre la précaution de consulter le médecin du travail avant de prendre une décision de changement de poste.