jeudi 3 avril 2014

Absence de visite de reprise devant le médecin du travail : l'employeur sanctionné

Par un arrêt du 6 octobre 2010, la Cour de Cassation vient de juger que lorsqu'un salarié reprend son travail sans bénéficier d'une visite de reprise auprès du médecin du travail dans les huit jours, l'employeur commet un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail.

L'employeur est alors condamné à lui payer les indemnités de rupture (indemnité de licenciement, de préavis et de congés payés), outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rappelons que les articles R.4624-21 et R.4624-2 du Code du Travail prévoient que l'employeur doit organiser, dans les huit jours de la reprise du travail une visite médicale auprès du médecin du travail :

- Après un congé de maternité ;
- Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

- Après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ;
- Après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ;
- En cas d'absences répétées pour raisons de santé.

Ce examen a pour but d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi , et éventuellement la nécessité d'une adaptation de ses conditions de travail.

Il arrive que l'employeur impose à son salarié de reprendre ses fonctions sans se préoccuper de son état de santé.

Par cette décision, la Cour de Cassation sanctionne désormais cette passivité fautive de l'employeur.

Indemnisation d'un tétraplégique au titre de la faute inexcusable de l'employeur

Alors qu'il travaille sur le chantier de réfection d'une toiture, un jeune couvreur de 23 ans, perd l 'équilibre, et chute d'une hauteur de 6 mètres de haut sur un sol en béton.

Ayant miraculeusement survécu, il souffre une tétraplégie Asia, avec spasticité des mains, flexion permanente des doigts, et des deux coudes. La CPAM a fixé son taux d'incapacité à 100 %.

L'enquête menée par l'Inspection du Travail et la Police a montré que échafaudage édifié par l'employeur était un « ensemble hétéroclite », dont le garde-corps laissait un espace suffisant au passage d'un individu !

Qui plus est, il existait un vide important entre le plancher de échafaudage et la façade de l'immeuble.

La culpabilité du gérant de l'entreprise a été reconnue par le Tribunal Correctionnel de CRETEIL.

Par jugement du 7 juillet 2010, le Tribunal des Affaires de sécurité Sociale de BOBIGNY a reconnu que la faute inexcusable de l'employeur était à l'origine de cet accident du travail gravissime.

Il a fixé à 295.000 euros la somme revenu à la victime à titre de dommages et intérêts, soit :

- 120.000 euros en réparation des souffrances endurées ;

- 50.000 euros pour le préjudice esthétique ;

- 130.000 euros pour le préjudice d'agrément.


Il a néanmoins été fait appel de ce jugement, pour permettre à mon client de bénéficier des nouvelles possibilité ouvertes aux victimes, suite à la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010.

Cette victime peut ainsi espérer obtenir, l'indemnisation d'un préjudice professionnel majeur, mais aussi, notamment, le remboursement des frais liés à la nécessité d'une aide médicale à domicile, à l'adaptation de son logement et d'un véhicule automobile à son handicap, et du matériel médical.

Arrêt de travail désorganisant l'entreprise et nécessitant le licenciement : le cas du gardien d'immeuble

Lorsqu'un gardien d'immeuble ou un concierge est en arrêt de travail de façon prolongée, son employeur est souvent tenté de le licencier, au motif que cette absence désorganise l'entreprise, et nécessite son remplacement définitif.

L'employeur a la charge de la preuve de la désorganisation objective de l'entreprise, et doit être appréciée eu égard à l'emploi et la qualification du salarié absent, à la taille de l'entreprise, et au volume de son activité.


Un gardien d'immeuble est violemment agressé par deux individus qu'il tente d'empêcher de forcer l'une des grilles d'accès au parking de l'immeuble.

Malgré l'opposition farouche de l'employeur, cette agression est reconnue comme accident du travail.

5 mois plus tard, ce gardien d'immeuble est licencié au cours de son arrêt de travail, au motif que son absence désorganiserait gravement l'office HLM dont il est salarié.

Dans la lettre de licenciement, l'employeur motivait sa décision en indiquant, notamment, qu'il était dans l'incertitude totale de la date de reprise effective du salarié, qui occupait toujours son logement de fonction de sorte qu'il n'avait pu être efficacement remplacé.

Par arrêt du 16 novembre 2010, le pôle 6, chambre 10 de la Cour d'Appel de PARIS a jugé que ce licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, au motif que :

- ni le contrat de travail de l'intéressé ni le contrat de travail de son remplaçant ne prévoyaient d'obligation de résider sur place ;

- son contrat de travail ne prévoyait pas de tâches ou obligations en dehors des heures de travail mentionnées au contrat soit de 8 h à 12 h et de 14 h à 18 h ; 

- le logement de fonction dont disposait le salarié constituait un avantage en nature ; 


Dans ce contexte, la Cour d'Appel de PARIS a conclu que l'occupation d'un logement de fonction ne pouvait avoir une quelconque incidence, sur l'organisation de l'entreprise.

Dans ce type de dossier, il importe donc d'être vigilant, et de ne pas tenir pour acquis qu'un gardien d'immeuble doit nécessairement loger sur son lieu de travail.

Obligation de sécurité de l'employeur et prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié

Une salariée, victime d'un accident du travail, a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour, notamment, manquement par ce dernier à son obligation de sécurité.

La Cour d'Appel de Toulouse avait considéré que la charge de la preuve du fait que l'employeur n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs appartient à la victime.

Par arrêt du 12 janvier 2011, le Cour de Cassation a casssé cette décision, et jugé :

« qu'il appartient à l'employeur qui considère injustifiée la prise d'acte de la rupture par un salarié qui, étant victime d'un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat ».

C'est donc à l'employeur, débiteur d'une obligation de sécurité de résultat, que revient la charge de démontrer qu'il n'a commis aucun manquement à l'origine de l'accident du travail.

(Cass. soc., 12 janvier 2011, n°09-70838, Mme X c/ Sté Biscuiterie Vital)

Invalidité 2ème catégorie et inaptitude

Suite à un problème de santé, un salarié est classé en invalidité deuxième catégorie.

Il en informe son employeur, mais ne demande pas à reprendre le travail. De son coté, l'employeur ne lui propose aucun reclassement, et ne le licencie pas. S'en suit un statu quo, qui conduit le salarié à saisir le Conseil de Prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par un arrêt du 15 février 2011, la Cour de Cassation insiste sur le fait que c'est à l'employeur, s'il est informé de cette invalidité 2ème catégorie, de prendre l'initiative de faire procéder à une visite de reprise auprès du médecin du travail, laquelle met fin à la suspension du contrat.

Accident du travail ou accident de trajet ? Le cas particulier du salarié "en mission"

En droit de la sécurité sociale, l'accident de trajet est celui survenu au salarié pendant le trajet d'aller ou retour entre sa résidence habituelle et son lieu de travail, ou entre son lieu de travail et l'endroit où il prend habituellement ses repas.

Cela signifie-t-il que tous les accidents intervenus au cours d'un trajet sont automatiquement des accidents de trajet ? Absolument pas.

La Cour de Cassation considère en effet que le salarié effectuant une mission, a droit à la protection prévue à l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale (celle liée aux accidents du travail) pendant le temps de la mission qu'il accomplit pour son employeur, peu important que l'accident survienne à l'occasion d'un acte professionnel ou d'un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l'employeur ou la Caisse de rapporter la preuve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel.

Sont donc, par exemple, reconnus comme accidents du travail :


- L'accident de la route intervenu alors que l'intéressé allait participer à un jury constitué pour l'attribution d'un diplôme (Cour de Cassation, arrêt du 11 mars 2010, N° de pourvoi: 09-11560)


- La chute du salarié dans l'escalier mécanique d'une gare, alors qu'il retournait à son domicile à l'issue d'un stage de formation organisé par son employeur hors du lieu de travail habituel (Cour de Cassation, arrêt du du mardi 16 septembre 2003, N° de pourvoi: 02-30396)


- Un accident de la circulation arrivé à 2 heures du matin alors que le salarié venait de quitter son domicile pour parcourir 600 kilomètres afin d'être dès 9 heures sur le site où il devait effectuer une mission (Cour de Cassation, arrêt du 12 mai 2003, N° de pourvoi: 01-20968).

L'étendue de l'obligation de reclassement de l'employeur

A la suite d'un arrêt maladie, un commercial est déclaré définitivement inapte aux déplacements professionnels, le médecin du travail préconisant une mutation à un poste de type administratif sédentaire.

Son employeur lui propose de le reclasser à un poste d'assistant de chef de projet animation au siège social de la société, à Issy-les-Moulineaux.

Le salarié, qui réside à Sète (Hérault), refuse ce poste.

Il est donc licencié pour inaptitude et impossiblité de reclassement, l'employeur faisant notamment vaoir que tous les postes administratifs de la société sont situés au siège.

Par un arrêt du 25 mai 2011, la Cour de Cassation, dans la lignée de sa jurisprudence, vient de considérer que ce licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, au motif que l'employeur devait envisager un reclassement sur tous les sites du groupe auquel il appartient, peu important que le médecin du travail ait interdit au salarié tout déplacement professionnel.