jeudi 3 avril 2014

Absence de visite de reprise devant le médecin du travail : l'employeur sanctionné

Par un arrêt du 6 octobre 2010, la Cour de Cassation vient de juger que lorsqu'un salarié reprend son travail sans bénéficier d'une visite de reprise auprès du médecin du travail dans les huit jours, l'employeur commet un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail.

L'employeur est alors condamné à lui payer les indemnités de rupture (indemnité de licenciement, de préavis et de congés payés), outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rappelons que les articles R.4624-21 et R.4624-2 du Code du Travail prévoient que l'employeur doit organiser, dans les huit jours de la reprise du travail une visite médicale auprès du médecin du travail :

- Après un congé de maternité ;
- Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

- Après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ;
- Après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ;
- En cas d'absences répétées pour raisons de santé.

Ce examen a pour but d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi , et éventuellement la nécessité d'une adaptation de ses conditions de travail.

Il arrive que l'employeur impose à son salarié de reprendre ses fonctions sans se préoccuper de son état de santé.

Par cette décision, la Cour de Cassation sanctionne désormais cette passivité fautive de l'employeur.

Indemnisation d'un tétraplégique au titre de la faute inexcusable de l'employeur

Alors qu'il travaille sur le chantier de réfection d'une toiture, un jeune couvreur de 23 ans, perd l 'équilibre, et chute d'une hauteur de 6 mètres de haut sur un sol en béton.

Ayant miraculeusement survécu, il souffre une tétraplégie Asia, avec spasticité des mains, flexion permanente des doigts, et des deux coudes. La CPAM a fixé son taux d'incapacité à 100 %.

L'enquête menée par l'Inspection du Travail et la Police a montré que échafaudage édifié par l'employeur était un « ensemble hétéroclite », dont le garde-corps laissait un espace suffisant au passage d'un individu !

Qui plus est, il existait un vide important entre le plancher de échafaudage et la façade de l'immeuble.

La culpabilité du gérant de l'entreprise a été reconnue par le Tribunal Correctionnel de CRETEIL.

Par jugement du 7 juillet 2010, le Tribunal des Affaires de sécurité Sociale de BOBIGNY a reconnu que la faute inexcusable de l'employeur était à l'origine de cet accident du travail gravissime.

Il a fixé à 295.000 euros la somme revenu à la victime à titre de dommages et intérêts, soit :

- 120.000 euros en réparation des souffrances endurées ;

- 50.000 euros pour le préjudice esthétique ;

- 130.000 euros pour le préjudice d'agrément.


Il a néanmoins été fait appel de ce jugement, pour permettre à mon client de bénéficier des nouvelles possibilité ouvertes aux victimes, suite à la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010.

Cette victime peut ainsi espérer obtenir, l'indemnisation d'un préjudice professionnel majeur, mais aussi, notamment, le remboursement des frais liés à la nécessité d'une aide médicale à domicile, à l'adaptation de son logement et d'un véhicule automobile à son handicap, et du matériel médical.

Arrêt de travail désorganisant l'entreprise et nécessitant le licenciement : le cas du gardien d'immeuble

Lorsqu'un gardien d'immeuble ou un concierge est en arrêt de travail de façon prolongée, son employeur est souvent tenté de le licencier, au motif que cette absence désorganise l'entreprise, et nécessite son remplacement définitif.

L'employeur a la charge de la preuve de la désorganisation objective de l'entreprise, et doit être appréciée eu égard à l'emploi et la qualification du salarié absent, à la taille de l'entreprise, et au volume de son activité.


Un gardien d'immeuble est violemment agressé par deux individus qu'il tente d'empêcher de forcer l'une des grilles d'accès au parking de l'immeuble.

Malgré l'opposition farouche de l'employeur, cette agression est reconnue comme accident du travail.

5 mois plus tard, ce gardien d'immeuble est licencié au cours de son arrêt de travail, au motif que son absence désorganiserait gravement l'office HLM dont il est salarié.

Dans la lettre de licenciement, l'employeur motivait sa décision en indiquant, notamment, qu'il était dans l'incertitude totale de la date de reprise effective du salarié, qui occupait toujours son logement de fonction de sorte qu'il n'avait pu être efficacement remplacé.

Par arrêt du 16 novembre 2010, le pôle 6, chambre 10 de la Cour d'Appel de PARIS a jugé que ce licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, au motif que :

- ni le contrat de travail de l'intéressé ni le contrat de travail de son remplaçant ne prévoyaient d'obligation de résider sur place ;

- son contrat de travail ne prévoyait pas de tâches ou obligations en dehors des heures de travail mentionnées au contrat soit de 8 h à 12 h et de 14 h à 18 h ; 

- le logement de fonction dont disposait le salarié constituait un avantage en nature ; 


Dans ce contexte, la Cour d'Appel de PARIS a conclu que l'occupation d'un logement de fonction ne pouvait avoir une quelconque incidence, sur l'organisation de l'entreprise.

Dans ce type de dossier, il importe donc d'être vigilant, et de ne pas tenir pour acquis qu'un gardien d'immeuble doit nécessairement loger sur son lieu de travail.

Obligation de sécurité de l'employeur et prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié

Une salariée, victime d'un accident du travail, a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour, notamment, manquement par ce dernier à son obligation de sécurité.

La Cour d'Appel de Toulouse avait considéré que la charge de la preuve du fait que l'employeur n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs appartient à la victime.

Par arrêt du 12 janvier 2011, le Cour de Cassation a casssé cette décision, et jugé :

« qu'il appartient à l'employeur qui considère injustifiée la prise d'acte de la rupture par un salarié qui, étant victime d'un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat ».

C'est donc à l'employeur, débiteur d'une obligation de sécurité de résultat, que revient la charge de démontrer qu'il n'a commis aucun manquement à l'origine de l'accident du travail.

(Cass. soc., 12 janvier 2011, n°09-70838, Mme X c/ Sté Biscuiterie Vital)

Invalidité 2ème catégorie et inaptitude

Suite à un problème de santé, un salarié est classé en invalidité deuxième catégorie.

Il en informe son employeur, mais ne demande pas à reprendre le travail. De son coté, l'employeur ne lui propose aucun reclassement, et ne le licencie pas. S'en suit un statu quo, qui conduit le salarié à saisir le Conseil de Prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par un arrêt du 15 février 2011, la Cour de Cassation insiste sur le fait que c'est à l'employeur, s'il est informé de cette invalidité 2ème catégorie, de prendre l'initiative de faire procéder à une visite de reprise auprès du médecin du travail, laquelle met fin à la suspension du contrat.

Accident du travail ou accident de trajet ? Le cas particulier du salarié "en mission"

En droit de la sécurité sociale, l'accident de trajet est celui survenu au salarié pendant le trajet d'aller ou retour entre sa résidence habituelle et son lieu de travail, ou entre son lieu de travail et l'endroit où il prend habituellement ses repas.

Cela signifie-t-il que tous les accidents intervenus au cours d'un trajet sont automatiquement des accidents de trajet ? Absolument pas.

La Cour de Cassation considère en effet que le salarié effectuant une mission, a droit à la protection prévue à l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale (celle liée aux accidents du travail) pendant le temps de la mission qu'il accomplit pour son employeur, peu important que l'accident survienne à l'occasion d'un acte professionnel ou d'un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l'employeur ou la Caisse de rapporter la preuve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel.

Sont donc, par exemple, reconnus comme accidents du travail :


- L'accident de la route intervenu alors que l'intéressé allait participer à un jury constitué pour l'attribution d'un diplôme (Cour de Cassation, arrêt du 11 mars 2010, N° de pourvoi: 09-11560)


- La chute du salarié dans l'escalier mécanique d'une gare, alors qu'il retournait à son domicile à l'issue d'un stage de formation organisé par son employeur hors du lieu de travail habituel (Cour de Cassation, arrêt du du mardi 16 septembre 2003, N° de pourvoi: 02-30396)


- Un accident de la circulation arrivé à 2 heures du matin alors que le salarié venait de quitter son domicile pour parcourir 600 kilomètres afin d'être dès 9 heures sur le site où il devait effectuer une mission (Cour de Cassation, arrêt du 12 mai 2003, N° de pourvoi: 01-20968).

L'étendue de l'obligation de reclassement de l'employeur

A la suite d'un arrêt maladie, un commercial est déclaré définitivement inapte aux déplacements professionnels, le médecin du travail préconisant une mutation à un poste de type administratif sédentaire.

Son employeur lui propose de le reclasser à un poste d'assistant de chef de projet animation au siège social de la société, à Issy-les-Moulineaux.

Le salarié, qui réside à Sète (Hérault), refuse ce poste.

Il est donc licencié pour inaptitude et impossiblité de reclassement, l'employeur faisant notamment vaoir que tous les postes administratifs de la société sont situés au siège.

Par un arrêt du 25 mai 2011, la Cour de Cassation, dans la lignée de sa jurisprudence, vient de considérer que ce licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, au motif que l'employeur devait envisager un reclassement sur tous les sites du groupe auquel il appartient, peu important que le médecin du travail ait interdit au salarié tout déplacement professionnel.

Fonctionnaires : des dommages et intérêts en cas d'accident de service ou de maladie professionnelle

Le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle peut, si les séquelles sont malheureusement graves, bénéficier d'une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, et d'une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite.

En cas de faute de l'Administration, la victime peut bien évidemment demander aussi la réparation de son entier préjudice.

Mais on ignore encore trop que des dommages et intérêts peuvent être réclamés en l'absence de toute faute de l'administration.

Quelle que soit l'origine de l'accident ou de la maladie, la victime peut en effet obtenir une indemnité en réparation de son préjudice non patrimonial : 

- souffrances physiques ou morales,
- préjudice esthétique,
- préjudice d'agrément
- troubles dans les conditions d'existence.


Quelques exemples parmi tant d'autres :

Un fonctionnaire de la Poste victime d'un accident de la circulation survenu pendant le service.

Une aide soignante ayant été contaminée par une hépatite C (maladie professionnelle).

Un officier de l'armée de terre souffrant de douleurs et de sifflements auditifs persistants suite à des exercices de tirs.

Le décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l'organisation de la médecine du travail

Le décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l'organisation de la médecine du travail entre en vigueur le 1er juillet 2012.

Entre autres mesures, il est important de noter que le salarié bénéficie dorénavant d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel (alors qu'actuellement le délai est de 8 jours pour les accidents du travail et 21 jours pour les arrêts maladie). 

La visite de pré-reprise existe désormais officiellement. Une seule visite suffira pour déclarer le salarié inapte si, dans les 30 jours précédant cet examen, le médecin a déjà rencontré le salarié dans le cadre d'une visite de préreprise.

De plus, le délai pour contester devant l'inspecteur du travail un avis du médecin du travail est fixé à 2 mois. L'avis médical d'aptitude ou d'inaptitude doit mentionner les délais et voies de recours. Il n'y avait auparavant aucun délai particulier.

Force est de constater que ce décret va dans le sens d'un allègement des obligations des employeurs, et par là même d'une diminution de la protection de la santé des salariés.

Les congés payés acquis avant un arrêt de travail pour raisons médicales doivent être reportés après la date de la reprise

Lorsque le salarié s'est trouvé en arrêt de travail lié à un accident du travail ou une maladie professionnelle, il a pu être dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels.

La Cour de Cassation considère que les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail (arrêt du 27 septembre 2007).

Ils ne peuvent donc être considérés comme étant « perdus ». Un refus de l'employeur de prendre ces jours de congés cause un préjudice au salarié, qui peut donner lieu au paiement de dommages et intérêts.

Tel est également le cas lorsque le salarié est victime d'une rechute après avoir repris une première fois son travail, sans avoir eu le temps de prendre l'intégralité des congés payés déjà reportés.

Aux termes d'un arrêt du 16 février 2012, la Cour de Cassation considère que :

« eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ; que ceux-ci doivent être à nouveau reportés quand le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre l'intégralité des congés payés acquis en raison d'une rechute d'accident du travail »

Harcèlement moral et prétendue mauvaise foi du salarié : la Cour de Cassation recadre les choses

Le preuve du harcèlement moral est toujours difficile à rapporter pour le salarié qui en est victime : les témoins, les documents lui manquent trop souvent.

Que se passe-t-il lorsqu'une victime a la confiance, ou la témérité, de faire état à son employeur du harcèlement dont elle souffre ? Il s'agit en général d'un appel au secours.

L'article L.1152-2 du code du travail protège la parole de la victime et des témoins : "aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés".

La seule limite à cette protection est la mauvaise foi. Si le salarié a agi avec de mauvaises intentions, il peut légitimement être sanctionné ou licencié.

Certains employeurs ont décidé d'exploiter cet argument pour hausser le ton, et sanctionner le salarié qui a eu le courage de faire état du harcèlement. Selon eux, sa mauvaise foi résulterait du fait qu'il n'a pas la preuve formelle des agissements dont il souffre.

La Cour de Cassation vient de préciser ce qu'elle entendait par "mauvaise foi".

En l'espèce, une vendeuse avait pour seul tort d'avoir adressé à son employeur un certificat médical d'arrêt de travail faisant état d'un harcèlement moral. Ce dernier l'a mise en demeure de préciser exactement ce qu'elle reprochait, et à qui. Elle ne donnait pas suite à ce courrier, qu'on devine rédigé en des termes peu aimables.

L'employeur ne trouvait alors rien de mieux que de la licencier pour faute grave, au motif que la salariée l'avait placé dans l'impossibilité de réagir utilement puisque personne n'était visé, etque, selon lui, les faits n'étaient pas susceptibles de faire présumer un harcèlement moral.

La Cour de Cassation, par un arrêt du 7 février 2012, souligne que la mauvaise foi "ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce".

La charge de la preuve de cette mauvaise foi revient bien évidemment à l'employeur.

Des accidents du travail sous-déclarés dans le BTP

Le 13 juin 2012 sur France Inter, un court reportage sur une entreprise de BTP qui, pour des raisons d'image, annonce avoir une politique du "zéro accident". 

Bien évidemment, et maheureusement, la réalité est toute autre dans cette entreprise.

Les dossiers que je traite montrent qu'il existe depuis plusieurs années un réel mouvement pour ne plus déclarer les accidents dont les salariés sont victimes, dans le BTP ou ailleurs.

Pour écouter ce reportage, cliquez ICI

La faute inexcusable de l'employeur : pour mieux comprendre les droits des victimes

Qu'est-ce qu'une faute inexcusable de l'employeur ?

Sa définition a été fixée par la Cour de Cassation :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'uneobligation de sécurité de résultat.

Le manquement à cette obligation a le caractère de faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Quelques exemples de faute inexcusable traitées par notre cabinet :

- la chute d'un salarié du haut d'un échafaudage présentant des défauts de sécurité (garde-corps non continu, et vide entre son plancher et la façade de l'immeuble) ;

- l'arrachage d'un doigt dû à une fraiseuse dont la lame mobile n'était pas sécurisée.

- la hernie discale résultant du fait de devoir manipuler sans aide ni matériel des pièces métalliques lourdes de 50kg ;

- la chute du salarié d'un garage automobile en glissant dans l'eau savonneuse occasionnée par le lavage d'un véhicule dans un endroit non aménagé à cet effet.


Comment lancer cette procédure ?

Il suffit d'adresser une lettre recommandée avec accusé de réception à la caisse de sécurité sociale dont vous dépendez, en indiquant que vous soulevez la faute inexcusable de l'employeur.

Après une tentative infructueuse de conciliation, la caisse vous invitera à saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. 

Devant ce Tribunal, votre employeur sera représenté par un avocat spécialisé. Il est fortement recommandé de ne pas se défendre seul.

Important : Le délai pour lancer cette action est très court :deux ans à compter du jour de l'accident, ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.


Comment la victime est-elle indemnisée ?

1/ Votre rente versée par la CPAM sera majorée.

Si par exemple votre taux d'incapacité a été fixé à 20%, vous recevez actuellement 10% de votre salaire de référence.

Une fois la faute inexcusable de l'employeur reconnue, votre rente sera majorée à son taux maximum : vous recevrez donc 20 % de votre salaire de référence, et ce depuis la date de votre consolidation (un arrérage est alors versé par la Sécurité Sociale).

2/ Vous recevrez des dommages et intérêts :

La Loi (article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale) prévoit l'indemnisation :

- des souffrances physiques et morales
- du préjudice esthétique
- du préjudice d'agrément
- de la perte de chance de promotion professionnelle

Vient s'y ajouter :

- le préjudice de perte d'emploi, en cas de licenciement pour inaptitude (à demander devant le Conseil de Prud'hommes).

Le 18 juin 2010, le Conseil Constitutionnel a rendu une décision élargissant les possibilités d'indemnisation des victimes. Sont désormais indemnisés, en plus des postes de préjudice listés ci-dessus :

- les frais d'aménagement du logement et d'un véhicule adapté en raison du handicap
- le déficit fonctionnel temporaire 
- le préjudice sexuel


Important : C'est la sécurité sociale qui verse à la victime les dommages et intérêts qui lui sont dus. Ainsi, elle sera indemnisée même en cas de liquidation judiciaire de son employeur.


Et si j'ai moi-même commis une faute ?

Si le salarié a commis une faute, cela ne fait pas obstacle à son indemnisation : peu importe que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident, il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire.

Autrement dit, du moment que l'employeur est fautif, seule une faute inexcusable du salarié pourrait priver ce dernier de toute indemnisation. Ce sont des cas relativement rares : tentative de suicide, prise de risque volontaire et assumée malgré les instructions claires de son employeur...

Obligation de sécurité de résultat : l'employeur doit consulter le médecin du travail avant de muter un salarié

En vertu du contrat de travail, l'employeur a une obligation de sécurité de résultat. Le Cour de Cassation vient encore de le rappeler, en sanctionnant l'employeur pour ne pas avoir consulté le médecin du travail avant de changer un salarié de poste.

Un salarié est placé en arrêt maladie durant une semaine, à la suite de quoi le Médecin du Travail le déclare « apte sous réserve d'un suivi par le médecin traitant. Examen complémentaire prévu. »

Trois mois plus tard, son employeur le détache auprès d'une de ses filiales, sans prendre la précaution de consulter le médecin du travail sur son aptitude à ce nouveau poste.

Le salarié est de nouveau placé en arrêt de travail, au terme duquel il est licencié pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement.

La Cour d'Appel avait jugé que l'employeur aurait dû, avant de décider le détachement du salarié dans sa filiale, ce qui impliquait un changement de fonction et de lieu de travail, se rapprocher du médecin du travail pour savoir si un examen médical complémentaire avait été effectué, et solliciter son avis sur ce changement de poste, et qu'à défaut de l'avoir fait, il avait manqué à son obligation de sécurité de résultat.


"Attendu que pour décider du placement en position de détachement du salarié, l'employeur ne justifiait pas s'être rapproché du médecin du travail pour savoir si les recommandations faites par celui-ci concernant notamment l'examen médical complémentaire avaient été suivies et pour solliciter éventuellement son avis sur le changement de poste envisagé, la cour d'appel, en a exactement déduit que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité ».

L'obligation de sécurité de l'employeur est donc particulièrement impérieuse, et il doit prendre la précaution de consulter le médecin du travail avant de prendre une décision de changement de poste.

Le harcèlement moral reconnu comme une faute inexcusable de l'employeur

L'employeur est tenu envers ses salariés à une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation est faute inexcusable de l'employeur. Il suffit que de prouver que ce dernier avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. A partir du moment où le harcèlement moral a été reconnu par la sécurité sociale comme un accident du travail ou une maladie professionnelle, il est possible d'engager la responsabilité de l'employeur.

La Cour de Cassation vient de le reconnaître par un arrêt du 8 novembre 2012 :

Il s'agit d'un salarié victime d'un infarctus du myocarde, pris en charge comme accident du travail.

Par des attendus particulièrement intéressants et pertinents, la Cour d'Appel de PARIS avait retenu, le 30 juin 2011, que :

« un employeur ne peut ignorer ou s'affranchir des données médicales afférentes au stress au travail et ses conséquences pour les salariés qui en sont victimes ; que l'accroissement du travail de M. X est patent sur les années précédant son accident ; que cette politique de surcharge, de pressions, « d'objectifs inatteignables » est confirmée par des attestations ; que les sociétés Sedih et Sogec n'ont pas utilement pris la mesure des conséquences de leur objectif de réduction des coûts en terme de facteurs de risque pour la santé de leurs employés et spécifiquement de M. X, dont la position hiérarchique le mettait dans une position délicate pour s'y opposer et dont l'absence de réaction ne peut valoir quitus de l'attitude des dirigeants de l'entreprise ; que l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur ne peut qu'être générale et en conséquence ne peut exclure le cas, non exceptionnel, d'une réaction à la pression ressentie par le salarié ; que le débat sur la portée exacte de la réunion du 4 septembre 2007 et les propos qui y ont été échangés est sans réel intérêt dès lors que ces propos n'ont été que le déclencheur d'une crise cardiaque générée de longue date par le stress subi par M. X. »

La Cour de Cassation confirme cette remarquable décision, indiquant que les employeurs avaient ou auraient dû avoir conscience du risque encouru par leur salarié et n'ont pas pris les mesures propres à l'en préserver, de sorte que leur faute inexcusable est établie.

On trouve d'autres exemples :

La Cour d'Appel de PAU, par arrêt du 17 juin 2010, a reconnu la faute de l'employeur pour une « anxio-dépression aiguë et un état de stress post-traumatique au travail » : 

« M. Laurent X...était harcelé moralement quotidiennement par son employeur, M. Z... ; que cela se manifestait par des brimades continuelles, des reproches non fondés et des propos personnels humiliants ; que pour justifier ses propos M. Yannick G...a cité l'exemple de la mitraillette où M. Z... mimait une fusillade massive des fainéants de landais ; que le témoin a tenu à préciser qu'il avait vécu exactement la même situation de harcèlement que M. Laurent X... (...) ; M. Laurent X...a produit aux débats plusieurs attestations de diverses personnes qui ont eu à constater les colères, l'agressivité, la violence ou les menaces de M. Z... (...)

Ce comportement et ce traitement, pas plus admissibles dans les relations de travail que dans les relations ordinaires, ne dépendaient que de l'employeur puisque émanant de lui-même et de lui seul, de sorte qu'il avait, ou aurait dé avoir conscience du danger qu'il faisait courir pour la santé physique ou mentale de son salarié en le soumettant de manière injustifiée et répétée à un tel comportement et à un tel traitement. La constance et la répétition de ce comportement et de ce traitement infligés à son salarié, établissent que l'employeur, en ne changeant pas son comportement, n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé de son salarié.

Par conséquent, il y a lieu de dire que l'employeur avait, ou aurait dé avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé physique ou mentale de celui-ci, de sorte qu'il a commis une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la Sécurité sociale. »

Un contre-exemple également, pour insister sur la nature des preuves à rapporter, et leur importance déterminante dans ce type de dossiers : 

Par un arrêt du 21 juin 2012, la Cour de Cassation a jugé que « la salariée ne fournissait aucun élément objectif venant corroborer ses déclarations, la production de témoignages, pour les uns indirects et pour les autres ne reflétant que l'ambiance générale de travail au sein de l'association, ne pouvant suffire à établir la certitude des faits invoqués ».

Comme devant le Conseil de Prud'hommes, c'est donc les témoignages, directs de préférence, qui sont la clé de la reconnaissance du harcèlement moral. 

Des échanges de courriers ou d'e-mails peuvent également être produits, mais le plus souvent, les actes de harcèlement sont verbaux, ou insidieux.